Le jour déjà lointain où m'est venue l'idée d'évoquer mes années de Montmartre j'ai bondi de plaisir. Quelle joie! J'allais ressusciter ma vieille Butte, ses rue raboteuses, ses jardins gonflés de lilas, ses ateliers qu'on meublait de caisses vides et qu'on tendait d'andrinople à treize sous le mètre ; j'allais revivre ces heures d'insouciance où rien ne semblait impossible à nos vingt ans présomptueux, retrouver ces camarades qu'une effroyable guerre devait si tôt nous prendre et poursuivre avec eux ces discussions absurdes d'autrefois, où rien n'avait d'importance que la coupe d'un poème ou le sourire d'un trottin.