"Il fait" poème de Rouben Melik.
Mon enfant dort avec les fleurs
Elle a sa ville à décorer
Elle a son rêve à protéger
Prenez sa main
Elle a ses fleurs à partager
Mon enfant dort prenez sa main
Elle a pendu à un soleil
Un ruban rose et un nuage ...
ÉLÉGIE 12
Sois la semblance en moi de l'amour que tu fus
Sans passé ma vivante à jamais à ne croire
Où sera de t'attendre après quoi le refus
Après toi me rassemble au passé sans mémoire
À n'être en moi que toi. Sois la semblante en moi
De qui ne meurt ne sait de quel amour pour quelle
Attente que sera l'autre amour sans mémoi
re après moi sans passé. Qui sera l'autre qu'elle
À quel moment de moi la double part de la
Mémoire où je la traîne en moi ? Sois le partage
En moi la ressemblance et la mort au-delà
D'avoir été sans l'autre amour et ni l'otage
Après moi de ta mort. Je me viendrai de toi
Par des chemins de terre où tu seras passée
Avant cela qui fut un tremblement d'étoi
le à travers ton absence et la mort caressée
…
Amicale des travailleurs
C'est entre gens du voisinage
À se passer le pain le sel
Dans cette offrande et ce partage
Que l'amitié se fait noël
Pour le plaisir de la rencontre
Où la parole est de bon jour
Sans regarder l'heure à sa montre
À chaque instant pour couper court
Et s'en aller, en sourde oreille
À qui raconte un peu son cœur
En murmurant peine pareille
Que depuis hier il est chômeur
Amicale de la Résistance
C'est entre amis dans la cellule
Où sont parqués les partisans
Que se murmure et que s'y brûle
La lettre écrite avant le temps
Que dos au mur, les yeux bandés,
Soit fusillé leur camarade
La tête haute en sa parade
Où sont au jeu jetés les dés
Sur le plateau d'une balance
Où la justice est sans raison
De mettre au feu les mots que lance
Un chant montant de la prison
ÉLÉGIE 12
À peine qu'un sourire autre part que l'espa
ce où tu seras ma morte en moi ta ressemblance
Et mon refus de toi que morte. À qui ne pa
sse à quoi lui dire où l'ombre encore est en balance
À mesure d'amour avec cet arbre et son
Feuillage, avec le mur autour de toi, la rue
Et la fenêtre avec l'enfance et la leçon
Du soir, la table étroite, et la chance courue
En moi que tu seras la ressemblante sans
Désir que désiré, sans amour que d'absence
Autre part que ce corps qui ne fut que naissant
Dans sa mort à ne croire à quelle obéissance ?
LE MIROIR ET MOI
Dans tes yeux de la fatigue et sur ton front tant de rides,
Parmi tes cheveux les blancs, vois, tant de blancs camarade…
Ainsi me parle souvent l’investigateur miroir
Toutes les fois que, muet, je me découvre seul en lui.
Tous les jours de mon enfance et les jours de ma jeunesse
Je – cœur parfois tout disjoint – les brimais pour l’holocauste
Sur l’autel des vanités tyranniques de ce temps,
Naïf – tenant pour abri l’espoir tant de fois promis.
Comme un forçat supplicié, comme un esclave qu’on brime
J’ai grandi nu sous le fouet de la gêne et de l’insulte,
Me battant contre la mort, vivre étant le seul problème…
Quel guetteur têtu je fus des lueurs et des mirages !
Mais l’amertume que j’ai bue aux coupes du besoin
S’est faite – fer devenue – que révolte, qu’énergie :
Se propageant avec fureur mon attente depuis
Enfouie jusqu’au profond du chant m’est cri élémentaire.
Et qu’importe, peu m’importe :
Que le temps aille semant sa neige sur mes cheveux !
Cours fertile qui s’élargit et qui s’approfondit
Au cœur de toute humanité très maternellement.
Et nous discutons dans un face-à-face, à « contre-temps »,
Moi naïvement songeur, lui ironique et lucide;
Le temps ? Qu’importe ce blanc qu’il pose sur les cheveux :
Mon âme comme un fleuve est riche de nouveaux courants.
// Missak Manouchian
/Traduction Gérard HEKIMIAN
Gens approchez du feu vos chaises ;
Vieillard cale ici ton fauteuil ;
Ranimez la flamme des braises,
Ceci n'est pas un chant de deuil.
Femmes jetez sur vos épaules,
Car à la nuit rude est le vent,
Comme le feuillage des saules
Le beau châle des anciens temps.
— Ces dessins brodés par les mères
En connaissent l'or les garçons,
En suivent le fil des prières
Qu'elles disaient et leurs chansons.
En suivent le fil de leurs rêves,
Le visage de leur pays,
L'heure où l'on marche sur les grèves
Avant l'heure où l'on ait vieilli. —
(Le temps qu'il faut qu'on croit folie
e part jamais pour revenir,
Le temps qu'on donne à cette vie
Pour s'habiller de souvenirs.)
Plus haute est la vie et plus haute
Est la mort, comme un corps d'oiseau
Alourdit une branche et saute
Sur une pierre ou un roseau.
Gens pesez la pierre de vie
Et qu'elle soit roseau la mort
Où va le chant et s'amplifie
Comme un troupeau lève son corps….
Le Veilleur de pierre
Extrait 5
Quel mystère s'annonce avec son poids d'années
Comme un grain du soleil central
Sur la terre jeté dans le van sidéral
Où s'accomplit la destinée?
La balance liquide où s'abîme le ciel
Dans la seule de ses demeures
Où le jour et la nuit 'égalisent leurs heures
Pour le mûrissement du miel,
La ruche patiente où des sortes d'abeilles
Ont respiré toutes les fleurs
Avant que les saisons n'en fixent les couleurs
Et n'en décorent les corbeilles.
Le Veilleur de pierre
Extrait 4
Je viens de longue marche à travers l'océan
Avant que l'eau ne s'en empare
Où les poissons rampaient dans le plat d'une mare
Et déployaient des bras géants.
La terre était de terre ainsi qu'il faut solide
Pour porter la lourdeur du poids
Des corps multipliés émergeant de la poix
De leurs premiers pas invalides.
Les chevaux couronnaient du volant de leurs crins
La coloration des plaines
Et les monstres déchus enfouissaient leur haleine
Dans les espaces sous-marins.
Ce qui brûla, mon nom le dit, dans les poitrines
Était le battement d'un cœur
Qu'une semence fit comme un secret flotteur
Battre avec l'aube des salines,
Ce cœur pris dans la pierre et par le feu frappé,
Ces os déchirés par la moelle,
Cette chair arrachée aux morsures des squales,
La peau lente comme un drapé.
…
Le Veilleur de pierre
Extrait 3
Jusqu'à la mer sanglante où la lune se couche
Derrière l'épaisseur d'un mur,
Mon nom le dit, je viens des morceaux d'astres durs
Longtemps brisés dans d'âpres bouches,
Que le gel a tordus dans le plomb des vitraux
Où la lumière se divise,
Où tombe en sa poussière une pierre surprise
À la naissance des coraux,
La pierre, longuement, mortellement vivante
Dans son noyau qui éclata,
Ce cœur d'une statue au milieu des deltas
Que le premier feu épouvante.
Rugissait de terreur l'univers animal
Et les volcans séchaient les plantes,
La terre noircissait dans son orbite lente
La fusion de son métal.
La montagne atteignit l'envergure d'un aigle,
Brisa en deux son unité,
Arrêta le soleil à son levant d'été
Pour le fixer entre ses règles.
…