Nous étions des Césars en pleine nature, personne pour nous contredire !
Une curieuse conception qui court chez nos cousins vivant à l’ouest des Grands Lacs voudrait qu’il n’y aurait de vrais Métis que là où il y avait des troupeaux de bisons ! Selon un porte-fanion de la métissitude manitobaine, un spécialiste de la question à ce qu’il paraît, « si ce processus s’était déroulé dans un endroit autre que les Prairies, il ne serait pas le même », « les personnes qui en auraient émergé auraient été entièrement différentes » et elles « ne s’appelleraient pas Métis ». Cet édifiant constat n’est pas sans mérite !
Jusqu'à tout récemment, la vision qu'on se faisait des premiers habitants vivant dans les forêts du Nord-Est québécois, se rattachait encore aux sempiternels stéréotypes véhiculés par un folklore déphasé. La science historique, récupérée par quelques autodidactes férus du passé, était bien loin de l'apport pluridisciplinaire qu'on lui reconnaît aujourd'hui et, conséquemment, elle n'était pas en mesure de nous fournir une lecture plus juste et plus savante de l'ancien pays des Kakouchaks. Dramatiquement isolée de l'anthropologie, de l'ethnohistoire et de l'archéologie —des disciplines encore exclues du corridor laurentien et du Moyen-Nord, jusqu'au dernier quart du présent siècle— l'histoire contribuait donc, à sa manière, à entretenir une vision tout aussi édulcorée de la réalité autochtone d'alors. Le mythe tenace du beau et bon « sauvage » vivant en parfaite harmonie avec la nature, n'avait pas encore basculé dans la tourmente du présent « problème autochtone »
Depuis la percée historique du printemps 1652, la France n'a pas cessé de progresser à l'intérieur des territoires nordiques de l'Amérique septentrionale. Le succès de ses conquêtes en ces lieux se confirme année après année. En 1661, par missionnaires et aventuriers interposés, elle a réussi à pousser jusqu'au lac Nicabau, à la tête du bassin versant du lac Saint-Jean via l'Ashuapmushuan pour pactiser avec les Indiens de ce pays et étendre les liens de la religion catholique qui se confondent dans ceux du commerce des fourrures. Pendant que les Français tentent de trouver une voie canotable pouvant les amener à la Mer du Nord par des chemins encore mal connus d'eux, les Anglais réussissent pour leur part à percer par le nord grâce au concours de Radisson, devenu Canadien dans l'âme et maître de lui-même depuis qu'il a été adopté par les Iroquois comme enfant du pays.
De toutes les écoles que j’ai fréquentées, seule celle qui loge à l’enseigne de l’insoumission de l’esprit se mérite encore mon adhésion. Je n’ai jamais été un élève docile, et cela m’a valu, très tôt, ma rupture de ban avec le milieu de la recherche institutionnalisée, cette prison de l’esprit ! J’ai toujours été d’avis que le maître le mieux inspiré, peu importe la discipline ou l’art qu’il enseigne, est celui qui apprend à ses élèves à voir le monde avec ses propres yeux. Adopter la pensée d’un autre sans l’avoir rudement éprouvée au préalable, fut-elle la pensée d’un génie en son art et en sa science, c’est se condamner soi-même à devoir supporter les faiblesses de cet autre et la médiocrité de ceux qui l’inspirent.
Pouvoir dire par l’écriture est une force qui s’acquiert, car cela ne relève que de la technique devenue réflexe ; mais savoir émouvoir et toucher l’autre en son être relèvent encore plus simplement de l’intimité de l’âme qu’on sait mettre à nue par l’exhumation de ses souffrances, de ses peurs, de ses doutes, de ses combats, de ses espoirs et désespoirs. À quelque part dans un recoin de son monde qu’il est seul à habiter, l’écrivain est une partie du vide qu’il tente de combler en lui. Et plus il le comble ce vide, plus il atteint celui de l’autre, plus il en décèle l’insondable profondeur et la fragilité de ses découvertes.
Il n’y a aucun absolu en histoire ; si ce n’est celui de s’y rapprocher, au possible, par une démarche aussi consciencieuse que déterminée, et par un effort honnête d’interprétation qui oblige au dépassement de l’historien.
C'est vrai que notre origine sauvage est humble, mais il est juste que nous honorions nos mères aussi bien que nos pères. Pourquoi nous occuperions-nous à quel degré de mélange nous possédons le sang européen et le sang indien ? Pour peu que nous ayons de l'un ou de l'autre, la reconnaissance et l'amour filial, ne nous font-ils pas une loi de dire : Nous sommes Métis.
Jusqu'à ce foyer du plus brûlant nationalisme québécois, le royaume du Saguenay-Lac Saint-Jean, où les roulottes qui véhiculaient notre tournée initiale ne parvinrent d'abord qu'à vider les classes. Si les grandes personnes brillaient par leur absence, au moins les enfants avaient-ils cédé à la magie de cette caravane de gitans, nous laissant pâmés d'admiration devant ces merveilleuses petites ébauches féminines qui se pressaient autour de nous.
Des regards brillants comme des escarboucles et ces hautes pommettes surtout trahissaient les fréquentations que s'étaient permises, avec les autochtones des environs, la poignée de familles blanches qui
avaient ouvert la région, il n'y a guère plus d'un siècle. Mélange remarquablement réussi, qu'on peut mentionner sans risque maintenant qu'à l'Assemblée nationale la "porte du Sauvage" est devenue celle de l'Amérindien et que rien n'est plus chic qu'un peu de peau rouge dans l'ascendance...
Un peuple se définit d’abord par son histoire, qui est aussi la construction d’une intimité commune, le témoin de sa propre marche dans la longue caravane de l’Humanité. Il s’exprime ensuite par sa culture, qui est la somme des rapports passés et présents qu’entretiennent les individus et le groupe dont ils participent avec un environnement naturel et spirituel particulier. Et dans cette perspective, il n’appartient qu’à nous, qu’à ceux et celles qui partagent ce sentiment d’appartenance, qu’à ceux et celles qui composent cette intimité perpétuée dans la mémoire collective, de définir ce que nous sommes et de nous présenter dans cette marche.