Jusqu'à ce foyer du plus brûlant nationalisme québécois, le royaume du Saguenay-Lac Saint-Jean, où les roulottes qui véhiculaient notre tournée initiale ne parvinrent d'abord qu'à vider les classes. Si les grandes personnes brillaient par leur absence, au moins les enfants avaient-ils cédé à la magie de cette caravane de gitans, nous laissant pâmés d'admiration devant ces merveilleuses petites ébauches féminines qui se pressaient autour de nous.
Des regards brillants comme des escarboucles et ces hautes pommettes surtout trahissaient les fréquentations que s'étaient permises, avec les autochtones des environs, la poignée de familles blanches qui
avaient ouvert la région, il n'y a guère plus d'un siècle. Mélange remarquablement réussi, qu'on peut mentionner sans risque maintenant qu'à l'Assemblée nationale la "porte du Sauvage" est devenue celle de l'Amérindien et que rien n'est plus chic qu'un peu de peau rouge dans l'ascendance...
C'est vrai que notre origine sauvage est humble, mais il est juste que nous honorions nos mères aussi bien que nos pères. Pourquoi nous occuperions-nous à quel degré de mélange nous possédons le sang européen et le sang indien ? Pour peu que nous ayons de l'un ou de l'autre, la reconnaissance et l'amour filial, ne nous font-ils pas une loi de dire : Nous sommes Métis.
La diversité des cultures humaines ne doit pas nous inviter à une observation morcelante ou morcelée. Elle est moins fonction de l’isolement des groupes que des relations qui les unissent.
De tous les groupes fondateurs, qui partagent l’interland canadien et qui participent à l’identité nationale, aucun n’est plus mal connu sur le plan de l’histoire, plus mal représenté sur le plan politique, plus mal aimé et plus méprisé par les décideurs, que les Métis.