Citations de Salah Al Hamdani (32)
Je suis né sous un grand ciel saccagé
et aujourd'hui
de loin
ma nostalgie se lève face à la soif de la terre.
Pour sécher son amertume
je l'étends sur une chaise
et j'écoute son squelette craquer
comme un vieux pont
qui ne supporte plus le trot des troupeaux.
Ma nuit est de sable sur une table de verre.
J’ai sur moi l’odeur de l’exil
ma demeure d’argile est bien-là
sans jardin,
sans forêt ni palmier.
Mon ciel est un fleuve inversé
et mes mots naviguent
au-dessus d’un pays lointain
où les hommes cherchent la direction du jour.
Je courais pendant toutes ces nuits
jusqu’à museler les sentiments et presser le nuage
Cela apaisa mon esprit.
Ma vie, béante, livrée aux vagues sans retour, encore ?
Et ta vie à toi
de quoi rêvait-elle ?
Parfois je déambule dans une ville
dont les habitants ne voyagent pas
une ville sans limites
sans désir
sans rêve
Pour elle, mes traits se dessinent
et s'effacent
comme ces fleurs fanées
déposées plus haut que la solitude du lit de l'exil.
Puis je m'assieds
pour la contempler à satiété jusqu'aux larmes.
Je suis venu d'îles sans ciel
Cernées par des sables
Des pas, des traces de guerriers
Et des bateaux qui se noient...
N'oubliez pas de fermer
derrière vos jours,
les volets de vos amours
de plier le jardin
d'arracher les saisons
de sillonner le ciel
de tirer sur la lune
de bousculer les étoiles
Puis une fois arrivés au pays
prenez tout
et oubliez-moi.
("Bagdad mon amour")
Méditations :
"Prends la parole
comme tu respires
et enjambe ton existence"
Nuage après nuage
le soleil s’éteint
Guerre après guerre
l'homme se désamorce
Feuille après feuille
l'arbre tombe
A bout de souffle :
[...]
Ici, pendant la nuit
image par image
les années s'effacent
se voilent
plongent entre les rides du miroir
[...]
Personne ne connait
le chemin qui guide
la mémoire
vers l'oubli.
Comme dans un rêve sombre
Comme un chien au loin
la nuit aboie
Sa voix traverse les marais de l’enfance
J’ai oublié mon visage
l’écho des puits desséchés
la lune de ma mère sacrifiée à la guerre
ainsi que la brûlure de ma langue
Derrière les cavités profondes de la pierre
je pouvais voir le squelette de mon père
sa bouche maladroitement sculptée dans l’argile
comme une plaie dans l’hiver
Pain quotidien :
"Avec la parole imaginée de l'autre
les restes empilés
de cette vie de carte postale
et le poème manquant
dis-moi comment reconstruire une patrie"
Saison de sel
à Isabelle
extrait 4
La forêt écimée dans l’immensité
nue face à la mer
témoignera plus tard
que le vent a humé les pierres
et dispersé les nuits brisées de la femme au visage d’argile
Écrire comme si l'on plantait des pierres
à la place des mots.
ECLAT
Adossé dans un parc
au creux de tes mains
le jour s'étale
Il est comme mon désir
que tu renverses sur le dos
l'horizon dans ta poche.
(Madinat Al-Salam : cité de la paix, ancien nom de Bagdad)
Madinat Al-Salam
je te veux porte ouverte
sur le soir assis dans ces champs de blé
Fil tendu sur la fenêtre de l'enfance
parfum d'amour au-delà des frontières.
Ne faut-il pas dépeupler notre planète
de ceux qui assassinent
foudroyer la croyance
quand il s'agit de liberté ?
LABYRINTHE DU PARDON
Que font ces hommes autour de moi ?
Soudain la page se tait
et la voix de mon père
son auréole de poussière
surgissent de mon corps
Alors je m’abandonne au tremblement
blessé
et sans appui
Je ferme les yeux
Ma mère monte la garde sur l’autre rive
Faut-il que je me précipite
dans un vide
si lointain ?
Chaque fois que je pense à Bagdad
je tente un cri
un peu plus haut que ma vie.
Puis reviennent
les jours d'hiver
et ce palmier qui meurt en silence
au bord de la page.
Mon Irak
Tu es mien
De la joie à la blessure
Et de la blessure à la saignée de ton être
J'ai connu des matinées tuméfiées
seul témoin de mon cri.
Je me mords de vengeance
d'avoir vu.
Habitude,
ce jour ne sera peut-être plus.
Ils m'ont conduit
là où ne fleurissent que les morts.