La neige, Salvatore Quasimodo
lu par Clément Hervieu-Léger
" Ognuno sta solo sul cuor della terra
trafitto da un raggio di sole :
ed è subito sera. "
(" Chaque être est seul au cœur de la terre
transpercé par un rayon de soleil :
et c'est tout de suite le soir. ")
Temple de Zeus à Agrigente
extrait 2
En silence nous regardons ce signe
d’ironique mensonge : et pour nous brûle
à la renverse la lune en plein jour, qui tombe
dans le feu vertical. Quel avenir
peut nous lire le puits
dorique, quelle mémoire ? Le seau remonte
lentement du fond et ramène de l’herbe, des visages
à peine connus.
Tu tournes, vieille roue du dégoût,
roi mélancolie qui prépares le jour ;
en tout temps consciencieuse, qui réduis en ruines
images angéliques et miracles,
qui jettes la mer dans la lumière étroite
d’un œil !Le télamon est ici, à deux pas
de l’Hadès (murmure étouffant, immobile),
couché dans le jardin de Zeus, il désagrège
sa pierre avec la patience d’une larve
de l’air : il est ici, jointure sur jointure,
parmi les arbres éternels, d’une seule semence.
/Traduit de l'italien par Roland Ladrière
aucune chose ne meurt
aucune chose ne meurt
qui ne vive en moi.
Ô mes doux animaux
À présent l’automne gâte le vert des collines,
ô mes doux animaux. Nous entendrons encore,
avant la nuit, l’ultime plainte
des oiseaux, l’appel de la plaine
grise vers la rumeur
haute de la mer. Et l’odeur du bois
sous la pluie, l’odeur des tanières,
si vive parmi les maisons,
parmi les hommes, ô mes doux animaux.
Ce visage aux yeux lents qui se tourne,
cette main qui montre le ciel où
gronde le tonnerre, ce sont les vôtres, ô mes loups,
mes renards brûlés par le sang.
Chaque main, chaque visage sont vôtres.
Tu me dis que tout a été vain,
la vie, les jours corrodés par une eau
continuelle, tandis que monte des jardins
un chœur d’enfants. À présent déjà loin
de nous ? Mais ils se perdent dans l’air
comme ombres à peine. C’est son refrain.
Mais moi, je sais peut-être que tout n’est pas fini.
/ Traduit de l'italien par Roland Ladrière
À MOI PÈLERIN
Me voici de retour sur la place tranquille :
à ton balcon solitaire oscille
le drapeau de la fête déjà terminée.
— Réapparais, dis-je. Mais seul l’âge
qui aspire aux sortilèges est leurré par l’écho
des carrières de pierre à l’abandon.
Depuis quand l’invisible ne répond-il pas
quand j’appelle comme autrefois dans le silence!
Tu n’es plus ici, ton salut ne me parvient
plus, à moi le pèlerin. La joie ne se révèle
jamais deux fois. Et l’extrême lumière
cogne sur le pin qui rappelle la mer.
Même l’image des eaux est vaine.
Notre terre est loin, dans le sud,
chaude de larmes et de deuils. Là-bas,
des femmes, dans leurs châles noirs,
parlent à voix basse de la mort
sur le seuil des maisons.
DÉJÀ LA FLEUR MAIGRE S’ENVOLE
Je ne saurai rien de ma vie,
sang monotone obscur.
Je ne saurai qui j’aimais, qui j’aime,
maintenant que reclus et réduit à mes membres,
au vent pourri de mars
j’énumère les maux des jours déchiffrés.
Déjà la fleur maigre s’envole
des branches. Et j’attends
la patience de son vol irrévocable.
MOT
Tu ris que je m'écharne pour des mots
que j'assemble ciels et collines en haie d'azur
autour de moi, et le bruissement des ormes
et les voix des eaux tremblantes;
que je trahisse ma jeunesse
pour les nuages et les couleurs
qui se diluent dans la lumière.
Je te connais: en toi tout égarée
la beauté rehausse tes seins,
creuse tes reins et en un mouvement suave
inonde ton sexe timide,
puis redescend en courbes harmonieuses
jusqu'aux dix coquillages de tes beaux pieds.
Mais voile: si je te prends
tu seras toi aussi pour moi un mot, et la tristesse.
---------
PAROLA
Tu ridi che per sillabe mi scarno
e curvo cielli e colli, azzurra siepe
a me d'intorno, e stormir d'olmi
e voci d'acque trepide;
che giovinezza inganno
con nuvole e colori
che la luce sprofonda.
Ti so. In te tutta smarrita
alza belleza i seni,
s'incava ai lombi e in soave moto
s'allarga per il pube timoroso,
e ridiscende in armonia di forme
ai piedi bellicon dieci conchiglie.
Ma se ti prendo, ecco:
parola tu pure mi sei e tristezza.
ED È SUBITO SERA
Ognuno sta solo sul cuor della terra
trafitto da un raggio di sole:
ed è subito sera.
La pie noire rit sur les orangers
C’est peut-être un signe avéré de la vie :
autour de moi des enfants aux légères
oscillations de tête dansent en un jeu
de cadences et de voix le long du pré
de l’église. Pitié du soir, ombres
rallumées sur l’herbe si verte,
sublimes dans le feu de la lune !
La mémoire vous accorde un bref sommeil ;
maintenant, réveillez-vous. Le puits résonne
de la première marée. C’est l’heure :
non plus mienne, simulacres anciens et brûlés.
Et toi, vent du sud chargé de fleurs d’oranger,
pousse cette lune où dorment les enfants
nus, force le poulain dans les prairies humides
aux traces de juments, ouvre
la mer, libère les nuages des arbres :
déjà s’avance le héron vers l’eau,
il flaire, lent, la boue parmi les épines,
et la pie noire rit sur les orangers.
// Traduit de l'italien par Roland Ladrière
DANS L’ANTIQUE LUMIÈRE DES MARÉES
Cité sur l’île
engloutie dans mon cœur,
voici je descends
dans l’antique lumière des marées
près de sépulcres au bord
d’une eau qui dégage sa joie
d’arbres rêvés.
Je m’appelle : un son se mire
en un écho d’amour et son secret est doux,
un frisson de larges écroulements d’air.
Quelle lassitude de renaissances précoces
s’écoule en dedans !
Toujours la même peine d’être à moi
au sein d’une heure au-delà du temps.
Et je sens dans la jalouse
pulsation de veines végétales
tes morts devenus
moins profonds :
une respiration assidue des narines.