Bibliothèque
(sixième rayon)
La mort attend ma colère
Tueurs sont sages
Du sang froid
Rhum et julep
On crève américain
Guère de paix
Mots à crédit
La mort la poésie
Frictions
Le lettré calera
L’écrit tuera la vie
Compter les vagues…
Compter les vagues n’est pas pour savoir leur nombre
mais demeurer dans l’ombre de leur ressac
la tête comme un sac recluse
compter les vagues est pour perdre pied
n’importe où le regard se porte
les vagues font le vain jeu sans fin
d’émerger et disparaissent
des monceaux d’écume tentant de fuir l’onde
et marquant de leurs spasmes blancs l’océan vert
les yeux fermés, c’est le bruit du monde
rendu à son opacité de taie
marée concertante aux chevauchements sans fins
gronde en une seule plainte aux oreilles des noyés
Minutes silencieuses…
Minutes silencieuses où je cherche
et rien ne vient
puis une bribe se fait jour
un son une parole un visage
laisse de l’absence
comme celle de mer
où me fascinent les restes
ma chair est triste et hélas
je ne lirai pas tous les livres
ni n’écouterai tous les chants
ce pendant je jette ma voix
au milieu de toutes les autres
À cet instant, à Saint-Jean-Pied-de-Port, les moutons en troupeau forcèrent leurs enclos, puis la grande porte de Notre-Dame-de-l’Assomption, sous les bancs de la nef s’agglutinèrent.
À cet instant, à Rampan, les arbres se querellèrent et s’envoyèrent leurs branches dans la cime, jusqu’à perte de leur dernière feuille.
À cet instant, dans la maternité d’un hôpital de seconde zone d’un quartier périphérique de San Francisco, une enfant en naissant parla.
À cet instant, à Bogliasco des poissons fuirent la mer et remontèrent la rivière en passant sous le petit pont antique.
À cet instant, l’univers entier, tel qu’il était précisément à ce moment-là, c’est-à-dire en train de se décomposer, apparut en vision à Catherine Mainard, dans la ville de Montpellier.
Bibliothèque
(quatrième rayon)
Dans la soute
Ça m’a jeté des mouches
Les hommes qui pleurent
Tandis qu’ils agonisent
Au loin dans la vaste mer
Ô cages d’acier
Le port est étroit
Terminal
Rivage d’humanité
En ce combat doute d’eux
sortez les morts videz-les des tombeaux
jouez encor'sur leurs corps de leurs os
frappez frappez qu'ils parlent à nouveau
jusqu'à la moelle il faut sucer les mots
mon corps est fini pur esprit
est-ce un avantage
se manifester dans la rotation de meubles
à trois pieds pour un résultat meilleur
ânonner sa pensée lettre
à lettre en frappant des coups
devoir se reposer espérer
en des esprits ouverts aux esprits
la langue est un muscle si souple
lèvres vous ô combien mobiles
je pourrais essayer de claquer
des dents elles ne disparaissent pas
on les retrouve accrochées au crâne
quand par hasard on déterre un préhistorique
je pourrais claquer des dents mais
je ne sais pas le code morse
qui pour poser sur le couvercle
froid de mon tombeau son oreille
et qui des deux claquera le plus fort
des dents le mort ou le vivant