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Les métaphores théoriques sont souvent réemployées dans les discours de vulgarisation, y compris lorsqu’elles sont tombées en désuétude, comme celle du cerveau-ordinateur en neurosciences. Tel est le cas de la métaphore du cerveau reptilien, réutilisée par certains chercheurs en toute connaissance de cause pour bénéficier de la familiarité que l’évocation de la notion, qu’ils reconnaissent dépassée, suscite dans le public. On se rapproche alors du deuxième type d’usage des métaphores dans les discours scientifiques, l’usage pédagogique.
Celui-ci consiste à évoquer des objets, dispositifs ou situations supposés connus, voire relevant de la vie quotidienne. Dans ce cadre, il n’est pas nécessaire que les rapprochements soient rigoureusement justes afin de faire comprendre le schéma général d’une structure, d’un processus, d’une fonction remplie par certains éléments à un public de non-spécialistes. Il s’agit d’une pratique centrale dans les discours de vulgarisation scientifique, consistant à bâtir son discours en prenant en compte l’expérience courante du public. Elle vise à donner un sentiment de familiarité avec les concepts, les expériences ou les phénomènes présentés, à défaut d’une réelle compréhension. De fait, MacLean a aussi recouru à des métaphores de type technologique et machinique, comme celle de l’écran de télévision, ou zoologiques, comme celles du crocodile et du cheval, dans un contexte de vulgarisation ou de semi-vulgarisation. La figure même du reptile, au-delà de son rôle de métaphore théorique, peut être vue comme facilitant la compréhension de ce que la zone cérébrale désignée par l’expression est censée commander en termes de comportements agressifs.
[…] Elle [l’étude] conduit à prêter une attention renouvelée aux métaphores, y compris celles qui se rapportent aux savoirs les plus légitimes, dans la mesure où elles pourraient conditionner en grande partie le passage des connaissances scientifiques dans cet espace.