Cocteau est immortel - Séminaire RDJ .
Cocteau est immortel - L?actualité littéraire du cinquantenaire de sa mort le dimanche 13 octobre 2013, à 11h Avec :
Pierre BERGE, président de la Fondation
Pierre Bergé, Ecrivain,
Dominique MARNY, Vice-présidente du Comité
Jean Cocteau, Commissaire de l?exposition
Cocteau au Musée des Lettres et Manuscrits,
Serge LINARES, Professeur à l?université de Versailles/Saint-Quentin-en-Yvelines, Coordinateur éditorial du futur Cahier de l?Herne consacré à
Cocteau, Auteur de
Cocteau/Fenosa. Reliefs d?une amitié (Barcelone, Polígrafa, 2007), Responsable de l?édition scientifique des ?uvres romanesques complètes dans la Pléiade Un débat animé par Alexis Lacroix.
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Bien plus, Lewis Carroll conçut entre 1862 et 1864 une version calligraphiée et illustrée par ses soins des Aventures d'Alice au cœur de la terre, était initial des Aventures d'Alice au pays des merveilles (éd. originale 1865). Tout le soin qu'il mit à tracer lettres et dessins n'aboutit pas à la publication en fac-similé avant 1886, une fois assuré le succès de la seconde mouture du récit, à cause de la somme des préventions amicales et éditoriales à l'égard de son métier d'illustrateur. Ce fut à regret que Carroll dut rabattre de ses prétentions à l'iconographie et solliciter un professionnel, John Tenniel, lequel s'imprégna cependant de ses compositions originales pour imager certains passages des Aventures d'Alice au pays des merveilles.
Le moment Dada marque en ce sens une accélération dans l'affirmation historique des écrivains artistes : il abolit par la désacralisation et le brassage les statuts artistiques, et provoque en retour chez les auteurs non seulement des recherches typographiques, mais des réalisations plastiques d'incidence majeure (photomontages et assemblages divers). Il opère enfin, comme aucun autre mouvement, la liaison transgressive entre l'hybridation des modes d'expression et la critique de la culture et de la société. Sous cet angle, la figure de l'écrivain artiste qui désarticule le langage et improvise l'image est exemplaire de l'atteinte dadaïste à l'ordre des choses.
Mais, au plus profond, Le Petit Prince relate, par-delà sa rencontre avec le héros éponyme, les retrouvailles du narrateur avec la pratique graphique, négligée à l'âge adulte. (...) Jamais critique à l'égard du talent plastique de l'aviateur, toujours capable d'identifier les figures tracées, à commencer par le «boa fermé», le héros réconcilie l'adulte avec l'acte figuratif et, partant, avec son esprit d'enfance. La présence d'illustrations dans le livre prouve la valeur curative de l'aventure qui rendit au narrateur l'innocence et la liberté du regard et du geste.
Si la généalogie des jeux sur la matérialité de la graphie remonte très loin dans le temps — pensons à la poésie rhopalique de la Grèce antique, avant-courrier du caligramme —, c'est dans le courant du XIXe siècle que la conscience de la concrétude scripturale lève dans l'esprit de nombreux écrivains, et c'est à la jonction avec le XXe siècle qu'elle atteint son point culminant, au moment de la publication d'Un coup de dés jamais n'abolira le hasard (1897), poème pour l'œil de Stéphane Mallarmé.
La photographie est précisément une des dernières frontières à franchir pour les écrivains artistes dans leur progression vers l'univers convoité des formes visibles.
Passé le cap des premiers «dessins de Rodez», la matérialisation graphique du souffle et du geste, savoir cette attaque rythmique de la mimèsis qui sanctionnait la réalité et, à la fois, délivrait la possibilité de la transmutation intérieure, ne requérait pas forcément l'action des mots. De juin 1946 à mars 1948, Artaud exécuta ainsi à Paris et à Ivry un ensemble de dessins, surtout de portraits, très souvent dépouillés de phrases.
Jean Cocteau s'absorba lui aussi, avec fréquence, dans la gravité de sa propre représentation. Son rapport à l'activité plastique devait beaucoup, comme celui de Witkiewicz, à la présence introjectée du père. (...) Cocteau eut tendance à éluder la fantomatique présence du sien dans sa pensée. Il est vrai que le suicide de Georges Cocteau d'une balle dans la tête, le 5 avril 1898, compliqua de drame et de remords la relation de Jean avec lui, et eut pour conséquences artistiques de faire de la peinture, que le père pratiquait en amateur, un tabou pour son fils jusque dans les années 1950, et de la photographie un objet de fascination et de crainte. «La mort subite de mon père, expliqua Cocteau dans le Passé défini, le 17 septembre 1952, me fut d'abord un appareil de photographie qu'il devait réparer le lendemain et qu'il ne réparerait pas. Je ne pouvais admettre cette mort puisqu'il m'avait promis de réparer cet appareil. Il manquait à sa promesse.» Les suites d'une telle défection, considérée par l'enfant comme un parjure et convertie chez lui en sentiment de culpabilité, se ramifièrent à l'âge adulte.
À l'expérience personnelle des arts du silence, les écrivains accèdent par des chemins pluriels. L'entrée dans la fabrique du visible peut ainsi se faire à l'instigation d'un désaveu, ou simplement d'un soupçon, jeté sur le langage.
Cette «parenté» des peintres et des poètes, la tradition issue de l'Antiquité l'avait largement établie, mais elle recevait alors sa motivation de la mimèsis, non pas de «l'intuition» ni de l'imagination.
Voici le miel que font mes abeilles…
Voici le miel que font mes abeilles,
c’est l’ombre de l’enfance.
Je suis plus léger que le liège,
plus léger que l’écume,
et cependant je sombre
entraîné par Vénus
et par l’homme de neige.