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Citation de sonatem


 
Dans un texte appelé « L’enjeu musaïque », Jacqueline Risset écrit : « La pratique de la traduction oblige à toucher ; à toucher le texte et à travers lui quelque chose qui peut se définir l’instant immédiatement précédant la création, celui en qui existaient encore plusieurs possibilités (et c’est justement en cela que consiste sans doute le plus grand intérêt de cet étrange exercice). La passion que les traducteurs mettent dans leur travail vient, me semble-t-il, de ces points fugitifs de coïncidence avec l’instant qui précède *. »
 
Je transcris un de ses poèmes, « Le toucher », traduit par elle en italien, ce qui fait deux versions originales ** :
 
Tu ne m’as pas touchée encore
 
l’amour passe par les yeux
et descend dans le cœur
l’amour de loin nous exerce
et nous perfectionne
 
mais qui
 
pourrait me toucher à présent
sinon toi ?
 
Je circule dans l’air
dans ce bois sacré
couleur de givre
dans cette auréole
 
  ~
 
Non mi hai toccato ancora
 
amor passa pergli occhi
e scende nel cuore
amor di lontano ci esercita
e perfeziona
 
ma chi
 
potrebbe ora toccarmi
se non tu ?
 
Passeggio nell’aria
nel bosco sacro
color di brina
 
nell’aureola
 
 
L’auréole garde ses livres à mes côtés qu’ils soient ouverts ou fermés. Qu’ils traduisent, imaginent des poèmes ou des proses à leur façon. L’amour est un son qui se dégage de ses pages, monte vers moi dans la lumière de cette auréole, dans le bruissement de ce bois sacré.
   
  ~ ~
 
… 𝑜𝑛 𝑛𝑒 𝑣𝑜𝑖𝑡 𝑞𝑢𝑒 𝑝𝑎𝑟 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑠𝑒́𝑝𝑎𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 – 𝑒𝑡 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑟 𝑙𝑎 𝑠𝑒́𝑝𝑎𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛
𝑎𝑢𝑠𝑠𝑖 𝑞𝑢’𝑜𝑛 𝑐𝑒𝑠𝑠𝑒 𝑑𝑒 𝑣𝑜𝑖𝑟 (André du Bouchet)
 
Nous sommes l’Ouvert parce que nous avons fui les frontières, et écouté les notes d’une autre langue et d’un autre silence à travers les vitres de la fenêtre et les reflets du fleuve. Parce que nous avons accueilli ces sons avec notre imaginaire transplanté qui les a transformés selon sa fantaisie. Parce que l’ouverture, nous l’avions en nous avant de partir. Nous aimions plus l’Ouvert que les frontières. Plus la mer que les rivages. Plus les fleuves que les ponts. Plus l’invention que la connaissance d’une langue.
 
 
* Revue de la Bibliothèque nationale de France, no 38, 2011.
** Jacqueline Risset, Il tempo dell’istante, Giulio Einaudi editore, 2011.
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