Allo la tour - Simon HAYOT - 7 Actu
A cette époque, notre manque d'expérience était proportionnel à notre passion du vol mais surtout à notre inconscience.
- Et... ça vous arrive souvent de transporter des chevaux ? risquait Yves.
- Non, c'est la première fois. On l'a seulement fait avec des boeufs, mais ça s'est mal passé.
- Mal passé
- Rassure-toi, aujourd'hui, on innove.
- Comment ça... vous "innovez" ?
- Aujourd'hui, on a un cage.
Enfin, de toute cette aventure du Mike Bravo, vous l'aurez compris, je ne vous ai dévoile qu'une pudique partie pour ne retenir que l'essentiel : envers et contre tout, qu'est-ce qu'on s'est marré !
Et surtout, surtout, le plus important : quelle fantastique expérience humaine !!!
- Ti'mâle, quel âge as-tu ?
- 22 ans, pourquoi ?
- Combien d'heure de vol as-tu ?
- Environ 1200.
- Tu veux devenir commandant de bord ?
- Bien sûr !
- OK. Alors à partir de maintenant, tu es commandant de bord. Tu décolle ce soir à 18 heures pour la Colombie !
J'alignai le Mike Bravo face à ce bout de bande bitumée qui paraissait ridiculement minuscule vu du ciel.
- Sors le train et les volets sur un quart.
- Tu plaisantes ? Dis-moi que tu plaisantes ! insista mon copilote en m'adressant un regard dépité.
- Non, pas du tout... Sors le train et un quart de volets, répétai-je.
- OK... je sors le train et un quart de volets, mais je suis contre !!! protesta-t-il à haute voix.
Nous étions maintenant à quelques milles de la piste, bien alignés en finale quand subitement il sortit un appareil photo...
- Que fais-tu, demandai-je, intrigué ?
- On va se crasher, alors j'immortalise... répondit-il, résigné.
Dans les années 1970, aux Antilles françaises, et plus précisément à la Martinique, la vie était bien différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. La télévision venait de faire une timide apparition et l’unique programme proposé distillait à partir de 20h00 des émissions métropolitaines vieilles de six mois. Chaque soir, une jolie speakerine à l’accent bien de chez nous ne manquait pas de nous rappeler que nous avions la chance de pouvoir visionner des bobines toutes fraîches, arrivées de Paris par le Boeing 707 d’Air France hebdomadaire. Nos embouteillages, désormais légendaires, n’existaient pas encore. La seule invention moderne vraiment accessible à toutes les bourses était le téléphone.
« - C’est qui, lui ? demanda-t-il.
- Un jeune homme qui vient d’obtenir ses licences et à qui j’avais promis un job sur DC3.
Michel Ruofud me toisa.
- Donc, il n’y connaît rien… Pas l’ombre d’un début de connaissance en aviation, martela-t-il d’un ton hautain.
Sur le coup, cette réflexion faite en présence de tous les employés me vexa énormément. Mais l’expérience de la vie allait m’apprendre par la suite que sa remarque était parfaitement fondée.