Citations de Sophie Krebs (38)
Marquet a pratiqué le dessin sous ses diverses formes - crayon, pastel encre et aquarelle-, tout a long de sa vie. Si à ses début il se plie aux exigence du dessin académique, il se tourne très vite vers une forme plus elliptique de 1899 à 1910, entre la silhouette et la caricature. La rue est son terrain d'entrainement, et Paris "son terrain de chasse".
Marquet est tout à fait réaliste, il n'interprète pas une couleur et s'en tient au ton local dégradé selon la perspective des couleurs. pour lui, ce sont les valeurs lignes qui comptent. moi c'est par la couleur que je crée mon espace (Matisse)
toujours en quête d'un point de vue dominant, l'artiste organise sa composition de manière à tracer la diagonale dynamique de la plage. les effets de lumière et les marées sont l'occasion pour lui de créer des fromes décoratives et des couleurs inattendues. le recours à l'aquarelle lui permet de multiplier plages et bord de mer.
Le peintre Claude le Lorrain est connu pour ses vues de ports idéalisées ou vont et viennent de riches galions. Marquet, quant à lui, fait du port un paysage moderne, fébrile et vivant.
Marquet ne s'intéresse pas à la diffraction de la lumière sous l'effet du clapotis de l'eau. il préfère dédoubler l'image en atténuant les altérations de couleurs du reflet et en conservant la forme des arbres. Le vert envahit la toile et rend ces paysages énigmatiques à la limite de l'abstraction.
Marquet est le maitre d'oeuvre de l'extension de la méthode cézannienne vers le monde moderne et de l'intégration de celui ci dans la peinture même.
son projet esthétique et éthique se définit à ce moment: il ne cherche pas à construire un discours sur son oeuvre, il peint au motif, et par série. Il travaille à l'archéologie de l'image, à sa synthétisation. Cette méthode traverse tout son parcours.
trois éléments se distinguent, les quais eux mêmes, rive gauche ou rive droite, les ponts, la Seine. marquet garde toujours la même composition - la diagonale pour marquer le flux de la Seine, l'horizontale, le pont, pour barrer la composition et créer l'horizon.
les quais que représente Marquet de 1899 jusqu'à sa mort en 1947 sont d'une variété insoupçonnable.
la très grande liberté avec laquelle Marquet dessine à l'encre au roseau, selon une technique inspirée de l'orient, fit dire à Georges Duthuit qu'il était le plus chinois de tous les fauves.
en ce début du XXème siècle, l'oeuvre de Marquet procède effectivement de ces formes de langage populaire que sont l'affiche, le dessin de presse, la caricature ou la carte postale.
en tout cas chez marquet il s'agit bien de la force de la discrétion, de l'élégance de la rigueur. Ses toiles ne mentent pas, tout comme la photographie pure ne ment pas non plus: on est bien dans le réel, dans la forte simplicité du réel, cadré avec discrétion, sans faute de gout, sans exagération.
le visage du modèle est souvent caché ou rejeté dans l'ombre, comme dans le nu à contre jour de 1909-1910. peu à peu la charge érotique s'impose: ce n'est plus le modèle mais la femme désirée - sa compagne d'alors et son modèle favori, Yvonne - qui est représentée.
l'artiste recourt aussi à la technique du pastel qui lui permet de positionner les masses colorées: aplats de jaune, de vert, de bleu, de rose, etc. Le grain du papier fait vibrer la couleur. Quelques détails surgissent tels un lampadaire, un arbre, une flèche.
C'est aussi l'époque où la couleur pure fait son apparition dans la peinture de Marquet, répartie en touches directionnelles selon la leçon de Cézanne.
Marquet met en place son paysage dont la structure et les lignes de force façonnent l'organisation spatiale du tableau: le cube, la verticale, la diagonale qui crée la profondeur horizontale - une organisation spatiale qu'il conservera sa vie durant.
sa disparition comme celle de Dufy et de Bonnard dans l'immédiat après guerre coïncide avec l'extinction du paysage tel que les artistes l'avaient conçu - et tel que critiques et marchands l'avaient porté au pinacle depuis plus d'un siècle.
peintre discret mais aussi rebelle, il a porté haut la bannière de l'indépendance sans complaisance, aidé en cela par son incessante mobilité;
on est même étonné de sa réduction de Paris à quelques endroits où coule forcément la Seine
André Salmon précise que c'est surtout un paysagiste de la ville, de paris en particulier. il souligne déjà son attirance pour la série, le motif.