POÉSIE
Poésie terre d'or aux chevilles
Mortelles escalier d'invite
Où s'offrir sur chaque marche
Seul espace où l'on se tienne
De place plus courte qu'un cri
Mais de verticalité
Plus longue que le soleil
Au-dessus du fleuve
Passerelle aimante
De mon corps manquent les dernières marches
Ouvrant le confluent de la lumière
Sous la colonne écrasante du jour
L'être se retire
Vers le centre improbable
Grand accoucheur de paysages
Sous le soleil châtain
Du silence l'être reflue
Vers le point de non-prise
Dénudant à l'entour
Les plages nerveuses
Du langage
//inédit
L'ILL
La rive lente aux baves grises de glace
Chante de sa lumière appel étrange
Aux coqs fiévreux de nos sangs
En danse lente danse dans les friches du temps
De pierre sous les ponts noirs d'où sourd
Une nuit rose de vitrail dans le verre gourd
Des yeux mortels où brûle un lent
Désir de rive grises de nuit les baves
Froides aux années lancinantes
De l'Ill endorment de leurs iris gourds
Les coqs tremblants de nos sangs
Combien de pluies faudra-t-il
Pour endormir la rive lente qui chante
De sa lumière appel étrange
Aux coqs mortels de nos sangs
Retourner les pierres, côté ciel
l’amertume, côté miel
le manque, côté plénitude
la peur, côté gratitude
et remettre les yeux du cœur
pour percevoir, quand vient le soir,
les lampes divines des visages
JE DANSE JE RIS
Je danse je ris de me survivre
Surgissante de l'inconnue d'hier
Au sortir de nouveaux sommeils
Enfilant le même corps que la veille
Dans la gueule de la mort je danse
Je danse pour durer en beauté
Sans que brûle mon visage de papier
Désespérément je danse
Car puis-je faire autrement
Sur une terre chauffée à blanc
Il ne meurt pas il ne meurt pas le Tsigane
il rentre dans la musique
qu'il n'a jamais quittée
d'un coup de talon
il fend le cœur du monde
et la vie devient violon
et l'archet frémit sous la joie des anges
L'amitié compte ses brebis ses amandes
ses jeunes pousses ses vieilles souches
et sans cesse se trompe et recommence
ayant oublié les chiffres du soleil
Dès que la douleur pose ses paniers
le lait coule de l'anse
et je ris parfois dans les traversées
infertiles, que la laine
soit si profonde d'amour
sous l'amère pluie de sève
qui élague toutes les branches
trop basses du cri
je redeviens tige fendue
sur l'axe de ta joie
C'est le coeur des mères
qui porte les pommiers
et la main du père
qui ouvre les pommes
si les mots nous manquent, nous le dirons
avec l'eau des aubes, le feu des nuits
avec les cahots bleus du temps
les grandes trémières de la lumière
avec la chair enrichie du silence
si les mots nous manquent, nous le dirons
avec les poissons roses du plaisir,
avec ces jours bleus qui allongent
comme de l'or sous le peigne du désir
avec le soleil éblouissant du vivre
qui renoue les gestes simples aux violettes
nous le dirons avec ce très grand
soleil royal de fraîcheur
car tous les arbres le savent :
il n'y a de jeunesse que la sainteté
Un wenn’s emol ken Resser meh gäbbt,
Wer zajt uns, wie m’r de Kopf hoch hebbt ?
Un wenn’s emol ken Resser meh gäbbt,
Wo schepfe m’r noh de Müet !
Müeter, ich will ken toti Welt,
Müeter, ich will’s Läwe, ’s Läwe !
Morje weiss niemes meh wie e Ross het gschmeckt,
Denn lawendi isch m’r nie genüe.
Un wenn’s emol ken Vejel meh gäbbt,
In wellem Ei soll’s Läwe noh traime ?
Un wenn’s emol ken Hähn meh gäbbt,
Bi wellem Schrej verwàcht noh de Morje ?
Müerter, ich will ken kinschtliches Liecht,
Müeter, ich will’s Läwe, ’s Läwe !
Ich will Sunneliecht un Sterneliecht,
Denn lawendi isch m’r nie genüe (...).
Que de musiques à mettre sur les choses!
La fatigue c'est cette laine brute à peine lavée
le silence passe les eaux
il pèse la chair des mots à naître
il multiplie les pains de la profondeur
Ce ventre de bonté
qui arrondit tous les problèmes
encercle l'évidence et prouve
par neuf les œufs les plus fermés
ce ventre de bonté
qui absout qui épouse qui comble
les néants de tous les formats
cette excuse miraculeuse
ce raccourci divin
cette réponse si ronde
à tous les cris
ce sursis de pardon
cette obscure innocence
cette sainte démence
cette absolution
La seule chose demandėe est de croire au soleil lorsqu'il pleut.
CHERCHANT…
Cherchant sous soi sans cesse
La main où se reposer
Écoutant rire au fond des os
Le soleil blanchi du futur
Il navigue dans le vif des mains
Qui se tendent pour le prendre
Et me regarde apprendre
En dérobant sans cesse
Sa main dessous mes pieds
Me laissant suspendue
Couleuvre noire et nue
Aux crochets de l'attendre
SOUS UN CIEL DE FER
Sous un ciel de fer
Bœufs blancs du lendemain
Piétinent patiemment
Le jour aux os fidèles
Parmi les corbeaux veilleurs
J'ensemence tes sillons
Des cris de mes yeux seigneur
Et pour trouer ton silence
Je lance
Ma charrue dans le soleil