Efik finit par ne plus avoir peur du vieux monsieur Willemann, il prit la jeune fille dans ses bras et la coucha sur les sacs d'avoine, il retroussa ce qu'il y avait à retrousser, arracha c'est qu'il y avait à arracher et déchira ce qu'on ne déchire qu'une seule fois.
Il te regarde sans regret ni jalousie, il te regarde avec amour et c'est de l'amour-propre, comme l'est toujours l'amour des parents. Aucun de vous ne le sait, mais l'amour pour le fruit de ses entrailles est de l'amour-propre, vous vous aimez vous-mêmes dans vos enfants, bien que vous croyiez que ce soit le plus noble des amours, ce n'est que de l'égoïsme pur.
- Je pense qu'il n'y a pas d'humains du tout. Nous nous sommes inventé ce concept d'humanité et certains vont jusqu'à vivre comme s'il était réel, mais il ne l'est pas, car personne n'est à sa hauteur, les gens ne sont pas humains selon la définition communément admise ; selon cette définition, ils ne sont que des animaux.
Il parlait de lui sans gêne, ou plutôt comme s'il ne connaissait pas du tout la gêne, il parlait sans cette modestie disgracieuse et toujours feinte dont usent d'ordinaire les vaniteux qui amenuisent leurs mérites pour pousser leurs interlocuteurs à les assurer que ces mérites sont incontestables.
Un grassouillet assis dans un coin déforme avec sa large poitrine les pans de sa veste tendue comme le boyau craquelé d'un boudin frit ; sa chemise difficilement boutonnée dévoile sa peau, dans les ellipses de tissu entre les boutons, on dirait une pâtisserie poilue.
Quand il se promène dans la forêt avec le petit Josef, le vieux Pindur a 76 ans, il se prénomme Josef également, mais il est né dans un autre monde. Au moment où Pindur sort des entrailles de sa mère, son père travaille encore en corvée sur les terres du comte von Wengersky, il sait néanmoins que, bientôt, il n’aura plus à le faire. Le père de Pindur se prénommait Kazimierz. S’il lisait et écrivait en allemand, il parlait plutôt le silésien, il se disait prussien et en était fier. Quand il cessa de servir en corvée, son sentiment d’être un Prussien et un sujet du roi de Prusse n’en fut que renforcé. A cette époque, les Prussiens n’étaient pas obligés de parler l’allemand. Le roi lui-même n’aimait guère s’exprimer dans cette langue. Pour Pindur, l’essentiel était qu’un Prussien ne fût pas corvéable.
Je partis dans la nuit. Doux Jésus.
Doux Jésus?
C'est juste une manière de parler.
Je suis partout chez moi, je suis un allemand... Mets-toi cette idée dans le crâne petit Kostek.
Au début de l'année 1918, ils ont mené l'offensive, ils ont déployé toutes leurs forces, et ils méritaient de gagner, ils méritaient la victoire, comme le vieux Pindur et son grand-père Otto Magnor, à la bataille de Sedan.