Pendant la journée, rien ne bougeait, sauf quelques ombres lointaines le matin et au crépuscule. Homme, bête ou loup affamé ? Par la fenêtre, je voyais le jour se lever et mourir. Parfois, même le midi le plus brillant ne pouvait m'en éloigner. Et c'est durant ces jours-là qu'il m'arriva une chose qui n'arrive pas à un vivant. Affalé ainsi à la fenêtre pendant que le train soufflait et s'ébrouait, je vois quelqu'un courir près des wagons, non, pardon, il ne court pas mais marche d'un pas normal sans que le train le dépasse. Je regarde, je connais cet homme, seulement je n'arrive pas à me rappeler qui c'est et de quel pays il est, et cela jusqu'au moment où il se tourne et me regarde directement dans les yeux. Je tressaille consterné, quel miracle est-ce là ? C'est moi qui suis à cette fenêtre et je marche près des wagons tout en me regardant !
Je me suis levé, je l'ai prise par la main comme un enfant et nous avons couru jusqu'en haut, sautant par-dessus la haie et les épines. Tu sais ce que je vais faire ici? lui demandai-je, ajoutant : Je sais que tu ne le sais pas. Eh bien, je vais te le dire, je vais construire une maison, la mienne, la tienne - la nôtre, et nous regarderons la ville d'ici ! Drita ne voulait pas me croire, répétant sans cesse : Tu es fou, quelle maison dans cette roche ! Il n'y a que des serpents et des lézards qui vivent ici ! Et je lui répondais : Tu verras, tu verras !
Maintenant je voudrais te demander quelque chose… Où sont passées tes années ? Ton Dieu ? Qui te guide ! Qu’est-ce qui t’a poussé par ici ? Ne me dis rien, je ne veux pas l’entendre, tout ce que tu me diras ne sera que mensonge car pour revenir il fallait bien que tu payes de quelque chose ! Je ne crois pas non plus en ta croyance rouge ni à ton dieu rouge ! Il remit du bois dans le feu, puis il prit son cheval et partit. Les flammes dansaient devant mes yeux, montaient haut et la neige fondait des branches gouttant dans le feu et l’éteignant. Je ne sais pas combien de temps je suis resté près de ce feu éteint, ne pouvant revenir à moi à cause des paroles de mon frère. »
"L'important est que tu existes, la maison on la construit et on la détruit."