Elle ne va pourtant pas mourir tout de suite. Elle va rester en vie au moins jusqu'à la floraison des pêchers. Sa soif de fleurs est vivace. Après la chute des fleurs de pêchers, elle va attendre le parfum des lilas et des pivoines, et puis, après la chute de ces fleurs, elle va guetter les lilas des Indes, qui doivent fleurir et faner trois fois avant que l'on puisse manger du riz bland, à ce qu'on dit.
J'avais l'impression d'avoir traversé l'éternité pendant ce court instant où j'avais étreint Haehwa. Peut-être était-ce un rêve. Un rêve qui s'était approché comme une marée montante et qui avait disparu sans laisser de trace. Je n'avais plus aucune pensée en tête. Pourquoi ne venir que maintenant ? Seule sa voix résonnait sans cesse dans ma tête. Devant le musée, j'ai allumé une cigarette. En pleine journée, la fumé était amère et âpre.
Maman, assise, tenait la tête de sa belle-fille contre elle . Mon frère lui caressait le dos. C'était maman qui lui caressait la tête et mon frère qui lui tapotait le dos, mais j'eus l'impression , sans trop savoir pourquoi, que c'était plutôt maman et mon frère , et non pas Haehwa, qui se faisaient consoler. Un peu plus tard et une fois relevée Haehwa s'est mise en marche. Mon frère n'arrivait pas à lui lâcher la main et maman, tout en boitant, la suivait en maintenant son rythme. Ils marchaient collés l'un à l'autre comme pour ne plus être séparés. Leurs dos solides et fermes ressemblaient à une fortification inviolable. Je les suivais de loin, à la manière d'un déserteur.
Je regardais la scène, les bras croisés, bien résolu à rester de glace, quelque dangereux que fût le numéro réalisé devant mes yeux. La virtuosité de cette troupe d'acrobates chinois, qui arrachait des exclamations au public par une contorsion ou un pliement grotesque du corps, ne m'inspirait que pitié. Le cirque implique une prise de risque. Le cirque, c'est l'affranchissement des limites physiques par un entraînement infernal. C'est donc de la pitié, et non de l'émotion, que l'on éprouve au cirque.
Je m'efforçais de ne pas les regarder. Si je croisais le regard de l'homme à la tache rouge, l'envie me prenait de lui frotter le visage avec du papier de verre ; si je regardais l'homme à la porcherie, la scène du coït des cochons me venait à l'esprit. Devant mes yeux tournoyaient des images de nains grimpés sur des femmes nues...
>J'avais l'impression d'avoir traversé l'éternité pendant ce court instant où j'avais étreint Haehwa. Peut-être était-ce un rêve. Un rêve qui s'était approché comme une marée montante et qui avait disparu sans laisser de tr
En me remémorant le visage de Haehwa, j’ai ressenti tout à la fois apaisement et douleur.