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Critiques de Véronique de Rudder (2)
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Sociologie du racisme

Dans son portrait, Étienne Balibar nous propose un très riche avant-propos au livre. Je n’en souligne que certains éléments. A commencer par le rappel nécessaire : « Une œuvre qui démontre de façon irrécusable combien il importe à toute véritable sociologie, sans renoncer à aucune de ses spécificités, de communiquer avec les espaces concurrents de la politique et de la philosophie, dans un échange réglé de connaissances et d’hypothèses, soigneusement contrôlé par les normes de la vérification et de la conceptualisation, mais dégagé de tout a priori bureaucratique. »



L’auteur aborde, entre autres, ce qu’est une enquête « au sens fort, balisée de plusieurs « synthèses » ou tentatives de « définition » rigoureuses », les citoyen·nes français·es de plein « droit » mais pourtant de « seconde zone », une « défense de l’universalisme qui soit inséparable de sa transformation », le racisme contemporain « comme ordre social intrinsèquement inégalitaire », les mots qui amalgament et les processus de catégorisation, les rapports historiques, la connaissance et la reconnaissance des inégalités réelles et la résistance à l’imposition et à l’intériorisation des dichotomies factices, la « construction de l’objet » et sa formulation, « Ce n’est pas neutraliser les conflits ou les mettre entre parenthèses, ni s’interdire les jugements de valeur à leur égard, mais c’est en récuser les conceptions dominantes qui ont partie liée avec la domination elle-même et qui en font l’expression de la nature des parties prenantes (serait-elle une nature « culturelle », historique) pour en identifier à la fois les conditions d’émergence et les contradictions internes, donc les possibilités d’évolution »…



Étienne Balibar souligne les notions de rapport et de relation, les conditions structurelles que les individus ne choisissent pas et qui leur imposent de sévères conditions matérielles, les contraintes se signifient nullement la passivité, « la position des individus ou des groupes à l’intérieur des structures sociales n’est pas celle de supports passifs condamnés à un comportement unique de façon déterministe », les possibles et les ouvertures dans les relations de voisinage, les rapports différenciés à l’Etat, l’ethnicisation des rapports sociaux et l’ordre social raciste, le racisme comme rapport social et non comme opinion, les imbrications des rapports sociaux, « repartir de la question du rapport social et aboutir à la proposition névralgique d’un orde social raciste », la naturalisation de « différences ethniques », la légitimation du pouvoir des dominants sur les dominé·es et la production de « l’apparence objective d’une solidarité entre les dominants et une partie des dominés, en face de l’autre (étranger, exogène) qui constituerait pour eux tous une « menace » semblable »…



Il parle des notions d’origine, de génération, de généalogie, de cristallisation, de transmission, de politisation de l’antiracisme, des conflits inhérents à l’ordre social raciste, de la disqualification des résistances, des discours nationalistes et identitaires, du danger de justifier des luttes par un « autre discours « identitaire », des modes de politisation…



En somme une plus qu’une présentation non réductrice des textes de Véronique De Rudder.



« La définition du racisme comme rapport social de domination, à l’instar du sexisme, ouvre la voie à des travaux sociologiques empiriquement fondés sur des données d’enquête qualitatives et quantitatives. »



Dans leur introduction, Marguerite Cognet, Mireille Eberhard, Aude Rabaud, Catherine Quiminal, Maryse Tripier présentent la sélection de dix-sept articles – regroupés en trois rubriques : Logement et cohabitation pluri-ethnique ; Problèmes épistémologiques, processus de catégorisation, précautions d’« usage » ; Racisme et discriminations – représentatifs de l’œuvre et du parcours intellectuel de Véronique De Rudder.



« Le manuscrit est classé en trois blocs thématiques qui reprennent des questions empiriques, conceptuelles et épistémologiques au cœur de sa bibliographie. Le premier nous ramènera au tournant des années 1970-1980, où Véronique De Rudder a exploré les territoires urbains et les espaces résidentiels pour ancrer sa réflexion théorique. Le dernier réunit ses textes novateurs sur le racisme et les discriminations. La section centrale n’en est pas moins importante puisqu’elle reprend quelques-unes de ses publications consacrées aux problèmes épistémologiques inhérents au champ des relations inter-ethniques. »



De cette présentation, je souligne certains termes – « des termes aussi chargé et galvaudés qu’identité, origine, génération… » – et notions qui seront au cœur des articles de l’autrice, racisé, minorité, « mis en situation de minorité car renvoyés à leur origine et distingués collectivement par leur couleur de peau ou leur religion », rapports sociaux de domination, indétermination du statut conceptuel d’intégration, discriminations, ségrégations, privilèges, « les privilèges de multi-identifications et de choix d’affiliation réservés aux dominants », relations inter-ethniques, racisme (structurel, ordinaire, en acte), pratiques et représentations, contradictions politiques et sociales, « les contradictions politiques et sociales posées par le tabou de toute invocation explicite de l’ethnique ou du racial dans un contexte républicain français « aveugle à la couleur » », action positive, effets et violence, « les effets violents et structurants de ces modes de classements sociaux et de hiérarchisation », quadrillage racial, fait social global…



« le racisme est un rapport social de domination à l’instar du sexisme, traversant les différentes interactions sociales »



Je ne reprend ni les observations d’Etienne Balibar ni les éléments soulignés par Marguerite Cognet, Mireille Eberhard, Aude Rabaud, Catherine Quiminal, Maryse Tripier. Je souligne la précision des observations de Véronique De Rudder, le refus d’utiliser des mots – par exemple : ghetto, intégration, généalogie – sans considération des situations historiques, les interrogations sur ce qui fait système et relation, la volonté de dévoilement des mécanismes de discrimination, les interrogations sur la complexité…



J’ai notamment apprécié sa critique de la notion de « seuil de tolérance », de la naturalisation des phénomènes sociaux, de l’occultation des contextes et des conditions sociales ; son refus des généralisations abusives ; de l’assimilation de la société à un corps organique…



J’indique, entre autres, ses analyses sur les dominants, « Le dominant, qui n’a jamais à se définir, définit l’Autre par différence, l’institue dans une altérité naturalisée, lui assigne sa place dont il ne sera pas toléré qu’il bouge » ou « « Le dominant, seul, a la maîtrise des frontières du dedans et du dehors et c’est lui seul qui admet ou non l’autre comme semblable », la réalité de la France comme « pays d’immigration de peuplement », la multiplication des luttes propres aux immigrés, la participation des un·es et des autres « à l’espace culturel et politique », les éléments conflictuels, l’assignation d’autres au « non-soi », les phénomènes minoritaires et les relations entre groupes sociaux, les temporalité des pratiques, le racisme et le logement, la ségrégation spatiale et la territorialisation, les condensations argumentaires et la fabrication de boucs émissaires, les sommations identitaires, « La sommation identitaire tourne à vide, comme tourne à vide le procès d’identification, toujours aspiré dans une définition plus exclusive (au double sens d’exclusivité et d’exclusion) de soi comme de l’autre… Le racisme se nourrit aussi du mépris de soi », la conversion de la question sociale en question urbaine, la distance et la mise à distance, « la notion de distance ne renvoie pas d’abord à une réalité objective, mais au contraire à une perception subjective de différence, exprimée en parole ou en actes par les individus d’un groupe à l’égard d’un ou plusieurs autres », l’imputation d’altérité pour dénier les rapports sociaux, la catégorisation et les problèmes de désignation, les phénomènes d’ethnicisation…



Véronique De Rudder insiste aussi sur le racisme en acte, l’assignation des un·es et des autres en communauté illégitime, la réduction du racisme à une idéologie, « la tendance à réduire le racisme à une idéologie « pure », située au-delà des pratiques pour les autoriser, conduit à sa désincarnation sociale », la nationalité comme marque statutaire, la confiscation de fait de l’universalité au profit de certains, la « face mentale de rapports concrets »…



Quelque soit la position que l’on adopte, les réflexions de l’autrice sur les statistiques, « S’il n’y a pas de solution définitive à ce problème, on peut à tout le moins attendre de la recherche qu’elle s’attache au dévoilement des processus plus qu’à l’élaboration (a fortiori la reprise) de nomenclatures, qu’elle analyse des rapports sociaux plutôt que des groupes nominaux qui ne se définissent qu’à travers eux, qu’elle produise des catégories d’analyse plutôt que des taxinomies », me semblent importantes.



L’article sur Marseille et la « préférence locale » contre les discriminations à l’embauche est riche de perspectives.



« La lutte contre les discriminations, quelles qu’elles soient, ne peut se contenter de ne cibler que le seul volet emploi et marché du travail, c’est-à-dire ne tenir compte que des effets d’une structuration sociale dans laquelle le racisme le sexisme, le classisme ne seraient considérés que comme des perturbations secondaires ou ordinaires, et non comme des modes de classements sociaux, des ordres sociaux articulés produisant et contribuant dès le départ à cette structuration »



Le racisme n’est pas une opinion mais bien un fait social global, une construction historique et hiérarchique, une relation de pouvoir. Les processus de racisation ne peuvent être combattus que par la construction de l’égalité réelle, et cela passe nécessairement par des formes d’auto-organisation des principales et principaux intéressé es…
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Dimanche : Le temps suspendu

J'ai trouvé cet exemplaire de la revue "Autrement" dans une brocante et immédiatement 2 souvenirs de mes "jeunes années" sont remontés à ma mémoire. Le premier est celui des différents numéros d'"Autrement" que j'ai eu l'occasion de lire. Le deuxième est celui des dimanches de mon enfance et de mon adolescence, car je me retrouve bien dans certains des souvenirs évoqués au fil de ce numéro.

On y trouve des éléments historiques comme l'histoire du mot "dimanche" , le dimanche dans les campagnes françaises du XVIIIe siècle, la tentative de remplacer le dimanche par le décadi, les luttes pour le repos dominical ou l'évolution des rituels dans les paroisses rurales de la 2e moitié du XXe siècle.

Il y a aussi des éléments plus philosophies ou sociologiques comme les musées, le sport, la télé, les pharmacies de garde, les urgences psychiatriques ou le dimanche des enfants de divorcés.

Le tout est agrémenté de quelques nouvelles et de photographies en noir-blanc d'Anne Testut et de Robert Doisneau.

Tout cela est bien nostalgique car même si le sous-titre est "Le temps suspendu", le temps a poursuivi son cours et les dimanches eux aussi ont bien changé !
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