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Critiques de Veza Canetti (3)
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Les Tortues

Il y a plus d'une semaine que j'ai l'intention d'écrire cette critique, mais faute de savoir exactement quoi dire... J'ai beaucoup aimé certains passages, le thème, en partie autobiographique, mais il n'en reste pas moins qu'à plusieurs reprises j'ai eu l'impression d'une oeuvre inachevée dont manqueraient des fragments.

Nous suivons le destin d'Eva et de son époux dans une Autriche qui ne leur est plus sûre, où leurs coreligionnaires sont pourchassés et leurs maisons réquisitionnées et le titre vient de ce grand panier de tortues que son époux a acheté pour leur éviter une croix gammée gravée sur la carapace. Cependant, se sauver soi-même n'est pas si simple car personne ne semble disposer à les aider, tout le monde a peur ou se sent subitement aryen. Et leur jeune voisine ne trouve rien de mieux que de monter un projet d'évasion loufoque impliquant un membre du parti auquel elle fait du charme!

Cela reste une oeuvre forte sur le destin de milliers de juifs autrichiens après l'Anschluss, à travers l'exemple du propre destin de l'auteur ce roman étant d'inspiration autobiographique, et un roman pas assez connu, mais cela n'a pas été la grande claque que j'imaginais.
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Lettres à Georges

J’aime les correspondances et celle-ci m’a intrigué en raison de la personnalité des protagonistes.

Il importe donc de présenter ces trois personnages :

A tout seigneur tout honneur Elias Canetti, écrivain, auteur d’ Auto-da-fé, philosophe et Prix Nobel de littérature. Il est né en Bulgarie, dans une famille juive sépharade, l’Autriche puis l’Angleterre seront ses terres d’accueil.

Son épouse Venetiana Taubner-Calderon écrivain elle même et traductrice, elle est l’auteur de la majorité des lettres de cette correspondance, elle a épousé Elias Canetti, pour obtenir le statut "d’apatride" ce qui la mettait à l’abri d’une expulsion vers la Yougoslavie son pays d’origine, mais elle est éperdument amoureuse de Georges son beau-frère, amour impossible car Georges Canetti, naturalisé français, médecin-chercheur reconnu pour sa lutte contre la tuberculose dont il est lui-même victime, est homosexuel et ne répondra jamais à l’amour de sa belle-soeur.

Cette correspondance à trois personnages s’étale entre 1933 et 1948 pour l’essentiel. Elle a été retrouvé dans la cave de Jacques Canetti (Nissim) le dernier frère, l’impresario de Piaf, Brassens ou Brel ! Correspondance amputée de moitié car si Georges à conservé les lettres de Veza et d’Elias, ses réponses ont été détruites.

Les blancs provoqués ainsi amplifient le côté secret de ces échanges mais n’empêchent pas de sentir les sentiments profonds qui unissent ces trois êtres.

Ce qui m’a le plus touché c’est la force et la fragilité de cette femme, épouse tiraillée entre un mari brillant qu’elle admire et qu’elle aime, auquel elle est reconnaissante mais dont elle a du mal a supporter les crises de paranoïa et les maîtresses "sa poule a été logée et nourrie chez moi" dit-elle à Georges et son amour impossible pour son beau-frère.

Ses sentiments pour Georges sont sans espoir, pourtant à aucun moment l’homosexualité n’est clairement évoqué et on peut se demander si Veza en avait connaissance lorsqu’elle se montre jalouse des éventuelles rencontres féminines que Georges pourrait faire ou si inquiète comme peut l’être une femme amoureuse, elle prêche le faux pour savoir le vrai.

Son amour est fort, indéfectible tout au long des années malgré l’absence de Georges. Les rencontres prévues qui n’ont jamais lieu, les invitations faites mais jamais concrétisées, les projets de venue de Georges à Vienne jamais réalisés, loin de les atténuer, amplifient encore ses sentiments.

Chaque missive commence par des mots d’amour, passant du " Très cher Georges » à « Mon Georges bien-aimé ", le secret gardé sur leurs échanges l’autorise même à passer à des noms plus doux, plus amoureux : Cher chevalier, mon benjamin, cher ennemi, mon adoré...Elle lui confit ses tourments, ses espoirs ou ses lectures.

Mais il ne faut pas se tromper, elle aime Elias Canetti d'un amour quasi maternel, elle l'appelle souvent "le petiot" et elle est le ciment qui maintien unis les deux frères, elles les aiment chacun à leur façon, " Toute ma vie est fondée sur une compréhension et un amour profonds entre vous deux." c’est cet amour qui lui permettra de surmonter les épreuves de la maladie et un tempérament dépressif.

es quelques lettres d’Elias nous le montre sûr de son talent, assoiffé de réussite et de reconnaissance, obsédé littéralement par l’argent il émaille sa correspondance de demande incessantes, de plaintes, et de subterfuges pour obtenir des subsides des uns ou des autres.

Le génie et le visionnaire apparaissent également, Elias Canetti très tôt pressent les conséquences de l’arrivée au pouvoir d’Hitler qui s'apprête "à poser sa lourde main sur l'Autriche" et le risque d’une nouvelle guerre.

L’affection qu’il porte à Veza est présente dans ses lettres ainsi que le souci que lui donne la santé de sa femme.

Enfin l’amour indéfectible qu’il porte à son frère par dessus tous les différents qui les séparent

"Adieu, mon bien cher Georges, et que ton océan de tendresse ne s'évapore pas trop vite : je me contenterai même d'un restant de sel, pour peu que tu en glisses dans une lettre et m'en envoies souvent. Ton frère Elias, qui ne s'est pas encore remis de la beauté du mot "frère". "

Cette correspondance éclaire d’un jour particulier cette époque de peur et d’incertitude de l’avant-guerre, des difficultés de l’immédiate après-guerre et de l’exil subit.

Je laisserai le mot de la fin à Elias Canetti qui exprime ce qui imbibe toute cette correspondance "C'est ce sentiment d'amour qui est essentiel, le reste ne compte pas."
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Lettres à Georges

Critique de Bernard Fauconnier pour le Magazine Littéraire



Les lettres qui composent cet étonnant volume ont été retrouvées en 2003, dans la cave de Georges Canetti, le frère d'Elias, prix Nobel de littérature disparu en 1994, auteur d'Auto-da-fé, de Masse et puissance, et d'Histoire d'une vie, ample autobiographie en plusieurs volumes. Il s'agit d'une correspondance croisée entre Georges, Elias et Veza, la femme de l'écrivain. L'ensemble constitue un véritable roman épistolaire sur le vif dont sont quasi absentes les lettres de Georges, perdues ou détruites, et d'ailleurs assez rares, si l'on en croit Veza et Elias, qui lui en font souvent reproche. Cette correspondance débute en 1934, à Vienne. Elias Canetti a épousé Veza, mariage de raison plus que d'amour. Il lutte pour imposer son oeuvre littéraire tout en entretenant des liaisons extraconjugales, « du temps qu'il perd avec des idiotes finies, des filles de rien », dit son épouse. En réalité, Elias brûle d'un amour sans espoir pour Anna, la fille d'Alma et de Gustav Mahler, rencontrée en 1933. Georges, quant à lui, vit avec sa mère à Paris, où il poursuit des études de médecine. C'est de lui, ce jeune frère fragile, ce brillant médecin spécialiste de la tuberculose et bientôt tuberculeux lui-même, homosexuel, tendrement aimé par son aîné, que Veza est amoureuse. Étrange trio dans lequel cette dernière, admirable épistolière rongée par le manque et le spectre du vieillissement, voudrait voir l'impossible complétude : « Seuls dieux que je connaisse, l'artiste et le médecin sont providentiellement frères, et ç'aurait pu être une heureuse coïncidence si le médecin, en faisant son apparition, n'avait divisé mon amour en deux. » Le livre français que Veza préfère est d'ailleurs La Princesse de Clèves... Ces lettres sont aussi la chronique d'une vie d'exilés. En 1937, Veza et Elias quittent Vienne pour Londres, où ils tirent le diable par la queue. Elias, parfois en proie à de violentes crises quand ses ambitions se heurtent aux murs de la réalité, se bat pour obtenir des avances et des traductions, fréquente musiciens et auteurs, tout en requérant l'aide financière de son jeune frère. Dépressive, Veza conte amèrement les fredaines de son mari et entretient Georges de la passion qu'elle continue d'éprouver pour lui. Le temps, qui apaise tout, apaisera aussi cette douleur, comme en témoigne la dernière lettre, datée de 1959. Document littéraire précieux, journal à deux voix d'un couple au coeur de la création, témoignage sur ce cosmopolitisme européen dont Canetti fut l'un des plus brillants représentants, sidérant roman vécu d'un amour sublimé : une révélation.
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