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Critiques de Victor I. Stoichita (2)
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L'image de l'Autre. Noirs, Juifs, Musulmans..

La « Chaire du Louvre » propose chaque année une série de conférences destinées à mieux faire connaître un peintre, une période artistique, un théoricien ou encore un mouvement de pensée. Publiées presque aussitôt dans un volume richement illustré, ces conférences présentent un point de vue original sur des questions parfois insolites, qui deviennent accessibles à un large public. Victor Stoichita, à qui l’on doit des ouvrages devenus des « classiques » sur les codes de la peinture, fait ainsi entrer le lecteur dans le vaste monde de l’anthropologie des images et s’interroge sur le visage de « l’Autre » dans la représentation, du XVe siècle au siècle des Lumières. À l’aube des temps modernes, qui virent la Chute de Constantinople en 1453, la découverte de l’Amérique en 1492, l’expulsion des Juifs d’Espagne et l’organisation des traites négrières, que signifient les nombreuses incursions de « l’étranger », dans les peintures mythologiques, dans les toiles religieuses ou dans les scènes de genre ? Du Jugement dernier de Memling où apparaît un Noir dans la foule des Justes qui seront sauvés, aux gitanes de la Tempête de Giorgione et de la Diseuse de bonne aventure du Caravage, c’est tout un peuple caché qui se révèle aux yeux surpris du lecteur, qui croyait avoir bien regardé ces toiles et d’autres encore, pourtant célèbres. En quatre chapitres menés tambour battant, l’auteur montre qu’il n’y eut pas métissage des cultures, mais appropriation des thématiques de l’altérité pour mieux construire une identité européenne. Car il ne s’agissait pas seulement de parsemer les tableaux d’éléments pittoresques, destinés à plaire et à retenir l’attention, ou même de rendre compte de la diversité du monde, dont la réalité commençait à s’imposer dans les mentalités. Pour Stoichita, l’exotisme fut un thème sérieux et réflexif : il permit de redessiner les contours de la vieille Europe. Lorsque Titien invente de toutes pièces une compagne noire à Diane, s’écartant alors de toutes les sources littéraires, il recompose une nouvelle image de la nudité de la déesse antique : dissemblable mais pourtant parfaitement complémentaire de son moderne double noir. Dans le tableau de Titien, Actéon en reste pétrifié de surprise ; Philippe II d’Espagne, pour qui le tableau fut peint, le dérobera aux regards dans les profondeurs de son palais. Il était sans doute délicat de dévoiler ces nudités étranges, qui laissaient entendre que Diane était aussi marginale qu’une servante noire. Car l’incursion de l’Autre ne fut pas vraiment facile dans la peinture occidentale ; elle se fit parfois au prix d’une refonte totale de la forme, comme dans le Jardin des délices de Bosch. Or la leçon de ce livre est que les artistes ne reculèrent jamais devant la difficulté. Ils représentèrent de façon très précoce dans leurs toiles cet « Autre » si dérangeant, reflet de leurs incertitudes, qui s’offrait en même temps comme leur double inversé et le fondement de leur identité.



Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 511, avril 2015
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Oublier Bucarest

Le narrateur est universitaire, il enseigne l'histoire de l'art. Il nous livre son récit d'apprentissage sous la dictature en Roumanie, dans les années 50 et 60. Malgré la gravité de quelques épisodes, (prisonniers politiques, absence d'Etat de droit), l'auteur a choisi une certaine légèreté. Es-ce la posture résiliente, comme le suggère la quatrième de couverture ? Es-ce la perspective de l'enfant de l'époque, qui a connu une enfance protégée ? Cependant, cette légèreté n'est pas l'insouciance.



La première partie est une chronique familiale aux tenus nuances satiriques; la deuxième partie évoque la naissance d'une vocation : l'éveil au monde de l'art. Dans cette deuxième moitié le récit gagne en cohérence. Voilà de charmants morceaux autobiographiques sur fond d'insurrection de Budapest et printemps de Prague.



En finissant le bouquin, je reviens en page 63 pour un de mes passages préférés, la pétition datant de 1954 que l'oncle Octave adresse au camarade Ministre de l'Instruction publique. Malgré des études brillantes, Octave avait été mis au placard ; il réclame une réhabilitation, mais aussi une ampoule électrique de 40 watt dans la salle de cours, en remplacement de celle de 25 watt.

« Pendant mes études dans la capitale française, j'ai fréquenté seulement des cercles progressistes, et je me suis tenu à l'écart de toute influence de la pensée idéaliste et petite- bourgeoise [ ]. Il est vrai que ma thèse portait sur des auteurs pré-marxistes [Aristote et Hegel], mais j'ai essayé de soumettre leur pensée à une dure critique, depuis les positions du matérialisme dialectique. []

Je vous prie par la présente, camarade Ministre, de bien vouloir étudier la possibilité de m'attribuer à nouveau le cours de littérature roumaine moderne et de doter une de salles de la rue Pitar-Mos d'une ampoule de 40 watts, ce qui me permettrait d'illustrer ce cours avec les citations adéquates de nos grands classiques, au bénéfice de nos étudiants roumains et coréens. »



Autres extraits :



« Avec nos dents en métal, nous mordons le quinquennal, étaient les vers d'un célèbre poème que tout pionnier de la RPR, fier de sa cravate rouge, devait connaître par coeur. »



« C'était en 1968. Partout en Europe, les étudiants bougeaient. Les nôtres aussi, mais au ralenti. Comme d'habitude, on attendait que les grands changements viennent d'ailleurs. Cet « ailleurs », pour nous, c'était Prague. »



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