Le matin rougissant, dans sa fraîcheur première,
Change les pleurs de l’aube en gouttes de lumière,
Et la forêt joyeuse, au bruit des flots chanteurs,
Exhale, à son réveil, ses humides senteurs.
La terre est vierge encor, mais déjà dévoilée,
Et sourit au soleil sous la brume envolée.
Les Vendanges
Hier on cueillait à l’arbre une dernière pêche,
Et ce matin voici, dans l’aube épaisse et fraîche,
L’automne qui blanchit sur les coteaux voisins.
Un fin givre a ridé la pourpre des raisins.
Là-bas voyez-vous poindre, au bout de la montée,
Les ceps aux feuilles d’or dans la brume argentée ?
L’horizon s’éclaircit en de vagues rougeurs,
Et le soleil levant conduit les vendangeurs.
Avec des cris joyeux ils entrent dans la vigne ;
Chacun, dans le sillon que le maître désigne,
Serpe en main, sous l’arbuste a posé son panier.
Honte à qui reste en route et finit le dernier !
Les rires, les clameurs stimulent sa paresse.
Aussi, comme chacun dans sa gaîté se presse !
Presqu’au milieu du champ, déjà brille, là-bas,
Plus d’un rouge corset entre les échalas.
Voici qu’un lièvre part ; on a vu ses oreilles.
La grive au cri perçant fuit et rase les treilles.
Malgré les rires fous, les chants à pleine voix,
Tout panier s’est déjà vidé plus d’une fois,
Et bien des chars, ployant sous l’heureuse vendange,
Escortés des enfants, sont partis pour la grange.
Au pas lent des taureaux, les voilà revenus,
Rapportant tout l’essaim des marmots aux pieds nus.
On descend, et la troupe à grand bruit s’éparpille,
Va des chars aux paniers, revient, saute et grappille,
Près des ceps oubliés se livre des combats.
Qu’il est doux de les voir, si vifs dans leurs ébats,
Préludant par des pleurs à de folies risées,
Tout empourprés du jus des grappes écrasées !
En moi de la forêt le calme s'insinue,
De ses arbres sacrés, dans l'ombre enseveli,
J'apprends la patience aux hommes inconnue,
Et mon cœur apaisé vit d'espoir et d'oubli.