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Citation de SZRAMOWO


Leonard ne la voit pas, épuisée, solitaire, aller à la dérive ; il ne la voit pas se laisser aspirer par les lignes qu'elle trace. Il trouve normal de la voir frotter les parquets pour atténuer son angoisse. Il ne la voit pas dépérir loin des autres, isolée avec lui. Il insiste au contraire pour la faire demeurer au calme et dans l'isolement suscité par la guerre. (...)
Il ne l'observe pas, la surveille seulement, au nom de ses vieilles théories ; le verre de lait demeure, liturgique, scellé dans leur routine. Elle est sans appui. Leonard poursuit la vie qu'elle lui a permis de mener, qu'il a su conduire, qui le comble et qu'il a poursuivie avec constance près d'elle, à une distance jusqu'ici propice. Mais à présent, il ne la voit plus, semble lassé d'elle.
Et puis... et puis... le prestige de Virginia Woolf ne la défend plus, aujourd'hui sans écho, sans audience, du moins perceptibles comme avant. L'entourage est dispersé, qui permettait à la femme brillante d'étinceler (sous le regard réprobateur mais impressionné de Leonard), et de s'affirmer, de compter aux yeux de tous, protégée par eux. Le rempart du public, de Bloomsbury a disparu. Elle est seule avec son mari, et semble s'estomper à ses yeux. (...)
Si Leonard connaît, et comme nul autre, la valeur de l'oeuvre, elle est à ses yeux le produit du "génie" de sa femme, et le génie étant lié pour lui à la folie, cette oeuvre ne la protège pas.
Impensable : en janvier 1941, Harper's Bazaar retourne à Virginia Woolf une nouvelle qu'il lui avait commandée. Refusée. "Je bataille contre la dépression, et la mets en déroute (j'espère) en nettoyant la cuisine. En envoyant un article (nul) au N.S. (New Statesman) et en me jetant pour deux jours dans P.H. (Point'z hall) ou dans mes souvenirs. Cet accès de désespoir ne m'engloutira pas, je le jure. La solitude est grande." Et, déjà, ce qu'elle répétera dans trois mois à Leonard : "Nous vivons sans futur. Le nez pressé contre une porte close."

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