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Citation de gouelan


L'herbe d'oubli

Ca commence comme ça... Tout au bout du couloir, il y a une porte. Un enfant avec une salopette à bretelles se tient sur son seuil. Pourquoi préciser que la salopette est à bretelles? Parce que c'est plus rigolo. Les mots ont leur importance, on imagine mieux les choses. La main sur la poignée, l'enfant entrouvre la porte. Chuuuuuut! Doucement, ne pas la faire grincer...au risque de révéler sa présence. Glisser un oeil, puis le bout du nez...y'a personne. C'est le bon moment...

Petits picotements. Il est si délicieux de braver l'interdit. Pas à pas, sur la pointe des pieds, l'enfant marche avec précaution sur le vieux parquet de chêne. Les craquements résonnent dans le silence feutré de la vieille bibliothèque. Un silence au parfum de cire ancienne, de reliures en cuir et papiers jaunis. Il faut atteindre sans bruit l'escabeau de bois, là-bas. De ces curieux escabeaux dont les quelques marches montent en colimaçon, un peu comme si l'on gravissait l'intérieur d'un coquillage géant. A pas de souris, choisir où poser le pied, la bonne latte de bois, celle qui trahira le moins la présence d'un intrus. Et puis, il ne faut pas réveiller les histoires. Des histoires par milliers, blotties les unes contres les autres, endormies au creux des étagères.
Tout en haut de l'escabeau, il y a un petit siège, surmonté d'un pupitre incliné. Le but du périlleux voyage est atteint. On est bien là-haut. On est grand, enfin! On domine l'ensemble de la bibliothèque. On domine le monde...
On dirait...que je suis le gardien de phare...
On dirait...que je suis sur les épaules d'un géant.

Tiens! il y a un livre posé là sur le pupitre. Un livre, mis à disposition. Et comme la main de l'enfant effleurait la couverture, l'éprouvant du bout des doigts, le sortilège fit effet. L'enfant ouvrit le livre...et réveilla les histoires endormies. Nul ne le sait,pensez donc! Le secret est trop bien gardé. Nul ne sait qu'aux premières pages d'un récit, ainsi sont fait les livres, dès les premières pages, on touche du doigt...l'herbe d'oubli. Il en est un peu dans chacune des pages que l'on tourne. Au fur et à mesure que l'on avance dans l'histoire, la magie opère. On est emporté, transporté. On perd ainsi la mesure du temps.

L'herbe d'oubli. Cette herbe mystérieuse dont on dit qu'elle égare le marcheur imprudent, s'il venait à poser le pied dessus. Et cette autre, l'herbe d'égarement, dont le charme disparait après que l'on ait emprunté cent fois le même chemin.
Combien de jeunes filles, combien de jeunes garçons, dont on s’inquiétait de ne les voir rentrer, combien d'entre eux, de la paille dans les cheveux, sont réapparus jurant qu'ils avaient été les infortunées victimes de l'herbe d'oubli. Il en est de même pour les livres. Ils nous emportent loin, sur les épaules d'un géant aux bottes de sept lieues. Voyageurs immobiles.
L'enfant, du haut de sa tour d'ivoire, laissait courir son regard sur la toute première page, mais déjà, il n'était plus vraiment là.

Il était une fois...
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