Au milieu, un énorme pylône électrique. Les fils s'en vont par dessus notre clôture, atteignent le bout de la plaine. On dirait un mât, les câbles sont des voiles, le champ un bateau.
Je passais mon temps à glander sur Internet. Je tapais mon nom sur Google.
On raconte un tas de choses sur l'autre vie. Les uns parlent de chaudrons ou de belles avenues, les autres d'inexistence, de réincarnation, de voyages dans l'espace-temps. Il est des croyances qui promettent la béatitude éternelle, l'omniscience, des dîners gratuits avec nos chanteurs préférés.
Pendant deux étés entiers, quand j'allais en vacances au village, je piratais le réseau du voisin. Au début il le laissait ouvert, sans mot de passe. Quand il a compris qu'on le piratait, il s'est mis un password. Un jour au café je lui ai demandé sa date de naissance, disant que je voulais connaître son signe. De retour chez moi j'ai tapé les chiffres. Grâce à quoi, pendant deux étés, j'ai pu télécharger de la musique. J'ai même pensé à lui envoyer des vœux d'anniversaire. Aujourd'hui, 19 juin 2009, début de mon congé, j'ai pris le car, destination le village. En face de chez nous en arrivant je vois un cercueil. Je fais signe à ma mère. Elle me dit : « Il s'est fait écraser par une voiture. Si jeune, c'est trop injuste. » Je suis monté dans ma chambre, j'ai ouvert mon portable et tapé le password : ça marchait au poil.