Un an quand on a 33 ans pèse bien plus lourd qu’un an quand on en a 20. Si je continuais sur ma lancée ma vie ne serait qu’une longue série de déracinements, de difficultés, parce que c’est le prix à payer quand on veut être libre, et que l’on veut vivre dans les systèmes de société et selon les valeurs de son choix.
Je ne cherche pas le statut social, ou l’identité, que fournit le mariage. Je ne pourrais jamais me contraindre à une relation conjugale d’intérêt. Je connais une jeune femme qui, à l’orée de la trentaine, n’a pu supporter l’image donnée par une certaine société aux femmes célibataires : elle était terrifiée par le spectre de la vieille fille. Elle avait deux prétendants depuis quelques années. Elle décida d’en choisir un, selon des critères rationnels et matériels, et se maria avec lui. Au cours de la journée de célébration du mariage, nous ne vîmes aucun geste tendre, aucune complicité. Elle refusa même le baiser conjugal après l’échange des consentements. Ils ne partirent en voyage de noces qu’un an plus tard, lorsque leurs calendriers professionnels respectifs le leur permirent, et parce que ça se fait. Dès la première année, cette jeune femme s’est transformée dramatiquement : de gaie, jolie et entreprenante, elle est devenue terne et formelle. Elle a coupé sa chevelure luxuriante pour adopter la coiffure courte sans âge des épouses de bonne famille. Elle a cessé de se maquiller. Sa peau commence à se craqueler comme un vieux parchemin. Ses vêtements gais ont été remplacés par des couleurs passe muraille et des coupes incertaines. Elle était casée, elle n’avait plus besoin de s’entretenir. Elle était « Madame », et se conformait au style qu’elle y attribuait.
Les chinois de Hong Kong portent tous un prénom occidental, en plus de leur prénom chinois, qui est composé de deux mots. En Chine, le nom de famille apparaît en premier, et en Occident, en dernier. Cela donne, pour les chinois de Hong Kong, des noms à rallonge du type Peter Choy Ying Feng, ou Daisy Wong Mei Mei.
Le grand chic des occidentaux travaillant à Hong Kong était de se faire donner un nom chinois, et de l’arborer fièrement sur leur carte de visite. Cela faisait immigré intégré, et ça avait le goût excitant de l’exotisme débridé. Il s’agissait alors de trouver des patronymes chinois se rapprochant phonétiquement le plus possible de ses propres nom et prénom. Etant rarement bilingues, les expatriés demandaient de l’aide à des collaborateurs chinois de confiance. L’occidental frais débarqué de son pays natal était touché par l’enthousiasme que ces derniers mettaient à la tâche, jusqu’à ce qu’une âme charitable l’avertisse du danger : de nombreux collaborateurs en profitaient pour attribuer aux expatriés des noms ridicules ou porteurs de malchance…
- Mais si tu es très gentille avec moi, tu peux garder ton boulot.
J’ai peur de comprendre. Je regarde ses yeux. Son regard appuyé ne trompe pas. C’est bien ça qu’il veut dire. Si je veux garder mon boulot, c’est ça que je dois faire. Mon sang descend dans mes talons. Je me retiens de le frapper. Je ne sais plus ce que j’ai répondu mais les mots devaient être bien sentis car il se lève, me prend à bras le corps, et me jette violemment hors de son bureau.
La vie est faite de compromis, la relation de couple en particulier. Si tu continues à être si rigide et intolérante, tu finiras seule. Et tu ne pourras que t’en prendre à toi-même. Les hommes fonctionnent différemment de nous, et tu dois l’accepter. Cela demande de la compréhension, de la patience, et du pardon.
L’euphorie a duré ce que dure l’euphorie. Le quotidien, les remises en question, reprirent le dessus. Max voulait se sentir libre. Notre deuxième liaison était secrète. Je m’en satisfaisais, car le goût du fruit défendu attisait à grand souffle la passion physique qui nous unissait.
A mon sens, ses sentiments ne reposaient sur rien de tangible : il était amoureux de l’image qu’il se faisait de moi, et fantasmait sur le grand amour. J’ai compris alors la peur viscérale que ressentent de nombreux hommes vis à vis d’une femme trop rapide.
- Vous les femmes blanches, dès que vous commencez à travailler vous n’êtes plus des vraies femmes.
- C’est-à-dire, c’est quoi une vraie femme ?
- Une vraie femme comble tous les désirs de son mari, sans se plaindre.