Citations de Éric Brogniet (26)
Jeunesse aux hanches de fougère
Visage grave sculpté
Dans l'or de tous les soleils
J'entends bruire longtemps tes dernières paroles
Murmure confus des sources et des halliers(...)
Tu es le charme qui charme les oiseaux
Tu te survis dans la rondeur du temps
Toujours j'invoque
Le tremblement de l'eau
Qu'un seul de tes regards perpétue à jamais
Comme une pureté
Une respiration bleue
Tout énoncé à l'aube
Précédé de ses scolies
Nous avons su que la beauté
N'était point imaginée
Elle qui vient, traverse
La parole suffoquée
Là où existe la mèche
Ils ignorent la lampe
Là où existe la lampe
Ils ont vendu la mèche
Et là-bas
S'ils gardent
Mèche et lampe
C'est pour mieux tuer la lumière
p.5
Ne brisons pas nos solitudes…
Ne brisons pas nos solitudes
augmentons-les jusqu’à ce qu’elles se conjoignent
La bouche écoute
Le silence sous les mots
Elle prolonge
Le fragile aujourd’hui
Ce que nous perdons
Nous le gagnons
Ce que nous taisons
Parle pour nous
Cette blessure augmente notre sang
Je vous écris ceci du cœur même de l’orage
Dans un éclair de raison.
L’écho
(pour Albert Ayguesparse)
Le ciel est sans nuages
qui partage à voix égale
la nuit et le jour
J’y sais l’alphabet du corps
Pas une lettre ne manque
qui lentement se dévoile
ô sombre prophétie
dans une fulgurance bleue
Je vais dans la poussière d’été
qu’étoile un infini soleil
Et mon amour multiplié
se fige là dans un dernier sommeil
(d’après Paul Delvaux)
Le sommet de la montagne
N'est pas le but
Puisque après chaque montagne
Il existe une vallée
Une autre montagne
Et ainsi infiniment
Où la rose sauvage
A jamais
S'illimite
(Lumière du Livre, suivie de Rose Noire, Le Taillis Pré)
Il s’était approché
des terres réconciliées
La mort jouait
au défi et au gage
Face à la steppe bleue
du malheur
il écoutait le songe
il éclairait la route
p. 53
La perspective amoureuse
Nul besoin de clé
pour passer la porte des champs
Il suffit de deux corps enlacés
pour embraser le ciel
Le niveau de la mer
la colline étriquée aux vitres sales
Au point du jour l’observatoire
désert et silencieux
Sont les indices profonds
quand perdurent le désordre et l’absence
d’un état des lieux
contestable
(On entend sourdre la mer
dans la chambre envahie)
(d’après René Magritte)
Pour dire celui qui précipite dans ses solitudes brûlées la
perfection du feu et de la cendre, je maintiens la fin dans
l’ébranlement, le départ dans le terme.
Le monde est muré. La ville est murée. Sans répit la folle cogne
son outil de fer contre la peau du cercle. Son loisir est la haine.
Je ne dénonce pas. Mais dans l’absolu des menthes et des sauges
bleues, entre la mort en habits de laine et l’été intime des
plantations, j’éveille les musiciens, je rassemble les jeteuses de sort,
j’applique une fraîcheur d’argile sur la cicatrice qui pourrit.
( poème n° 22)
Continents qui flottent
géographies floues
Puis à travers le sténopé
quand on regarde
on voit
des mondes en surrection
des taches surexposées
La mémoire
La mémoire en moi saigne comme la vie
C’est ma liberté de répondre ainsi
entre le tangible et l’intangible
aux faims et aux soifs souveraines
Les yeux fermés sur le sommeil et sa blessure
par quelle faille alors prend corps mon rêve
Et libre est la parole qui expire
dans la question secrète aux lèvres roses
(d’après René Magritte)
Aux culminations le vent bleu
Incendiant ses images
À ta lèvre tremble
L’empreinte du désir
Il dit dans ses pertes
Ses détours, les relèvements
De l’ombre, ton épousée
Ta reine, ta souterraine
Clarté. Il dit, mon amour
Toutes les sources de l’homme
Le rêve du poète
Il surgit de l’amour et de l’ombre
aux coutures vives du jour
Il remonte aux plus vieux mythes
inscrits dans la pierre
Il est une taie aveugle
ou une note de musique
Pour que l’œil se tourne en dedans
(d’après Giorgio de Chirico)
L’entente jaillit
entre tant d’espaces dévastés
entre tant de nuits
Avec le sourd discours
des chiens de mer
des lampes naufrageuses
Tu portes le haut éclat
la coupe qui énonce
Blanche vigie du soir
qui élève
qui éclaire
Fontaine sourde du sang
Fontaine sourde du sang
combien de dormeurs
au fond de tes jaillissements
L’œil du ciel
à travers le toit des roseaux
il y a plus que la rugueuse rive
à étreindre
Contre les opacités massives
tu chantes l’axe du monde
Il regarde l'immobile
Le ciel épars vers l'ouest
La distance où elle est
N'abolit pas la synchronicité
Il n'y a d'absence
Que de soi à l'autre
Passer dans les fièvres
A la beauté d’une présence
Une seule faille retentit
Aimer conjugue l’incendie
Parler restitue
Le déroulement lent
D’un temps qui accorde
Des tumultes Surgit la clarté
Retrouvée
Avec les sources
l’âpreté des sueurs
soleil figé
à la tempe du ciel
Nous oublions les creux
où l’obscur fait son lit
le sillon où l’avoine
s’éteint
Au plus haut du voyage
mûrissent les effusions
Nous interrogeons toute demeure
toute demeure nous interroge
(poème n° 87)
Pour conjurer le froid qui assourdit
qui pénètre qui brûle
j’évoque l’imagerie salvatrice
la voix qui révèle en nommant
j’assimile le feu
sous toutes ses formes
(poème n° 26.)