Citations de Éric de L`Estoile (52)
– Qu’entendez-vous par « dépressif » ?
– Il pensait toujours à la mort, il avait de longues périodes de mélancolie, il broyait des idées noires, il voulait tout abandonner. Il y avait beaucoup de haine et de désespoir en lui. Mais je vous le répète, je ne peux rien affirmer, je ne suis pas psychiatre.
Le plus bizarre quand on observe la scène de crime, c’est qu’on a l’impression que quelqu’un l’a déposé exprès pour nous. En général, ces types disparaissent dans la Seine. Là, il était bien assis parmi les immondices. Intéressant, non ?
L’homme la captivait autant qu’elle le rebutait. Elle se dit aussi qu’elle jouait son avenir. Elle prit sa décision, sachant qu’elle devait choisir son camp. Gagnant ou non, Beaulieu ne lui ferait pas de cadeau. Cette promotion était la dernière. Elle avait dû batailler comme une dingue pour obtenir son grade de Lieutenant, et la plupart de ses collègues masculins n’avaient aucune considération pour elle. Si elle profitait de ses charmes, c’était aussi une façon pour elle de se battre, pour rabattre le bec à cette bande de machistes primaires et violents, Beaulieu en tête.
Deux bêtes fauves côte à côte. La différence entre les deux hommes était flagrante. Entre le costume parisien chic et la parka du désert, ils se ressemblaient autant qu’un lévrier afghan à un fennec.
Il est envoyé partout en France lorsqu’un crime touche de trop près les politiciens, les grands fonctionnaires ou les grands patrons. Corruption, prostitution, trafic de drogue, chantage, problèmes de mœurs, relations avec le milieu, certains de nos dirigeants, peu, fort heureusement, pensent qu’ils sont au-dessus des lois. Quand la mort violente les frappe, ils envoient l’Artiste. C’est pratique.
Malgré leur différence d’âge, malgré sa position sociale, malgré les risques, cette jeune femme avait succombé aux charmes de cet homme. Il n’y avait pas que du sexe et de la promotion dans ses larmes. Dommage. Une femme amoureuse et sans illusions. À moins qu’elle ne lui fasse un numéro de charme éhonté concernant la dure condition des maîtresses esseulées. Il refusa de rentrer dans son jeu, même s’il sentait qu’elle était honnête.
Je ne vois pas ce que votre situation a de dramatique. Des jeunes femmes belles et ambitieuses qui couchent avec leur patron, c’est classique, même si on n’est pas obligé d’accepter cet état de fait.
Il la scruta. Il ne mentait pas, elle était vraiment très séduisante. Avec un soupçon de volonté et d’assurance que n’avait pas Graciane. Il devinait une femme de caractère, confiante et combative, une femme qui savait faire usage de ses qualités physiques, un peu comme Cynthia, mais plus naturelle.
Les courbes de cette femme mystérieuse prenaient forme, douces, harmonieuses. Son visage indifférent, son regard évaporé, ses cheveux droits, la finesse de son nez, de ses lèvres, renaissaient à travers le filtre de ses pensées. Ce ne fut au départ qu’une ombre, mais au fur et à mesure des souvenirs, le trait s’affina. Une page fut consacrée au buste, aux seins fermes, à ce ventre plat collé contre le tissu, à ses cuisses, à ses promesses cachées.
Le corps de Graciane, à travers sa djellaba. Quelle vision ! Quel rêve, quel cauchemar. Une impression en noir et blanc sur sa rétine, une photo gravée devant les yeux, troublant jusqu’à son jugement. Quand une telle folie le prenait, il devait s’asseoir et dessiner. Dessiner toujours et encore, jusqu’à coucher dans les traits doux ou fugaces l’image obsessionnelle.
Quand on tue un type de la trempe de Marc, on va forcément chercher à ternir son image. Dans ce monde, les hommes meurent deux fois. Physiquement et médiatiquement.
C’était une superbe blonde à l’anatomie affolante, coincée dans un tailleur strict mais terriblement sexy. Ses grands cheveux ondulants encadraient un visage à peine fardé, d’où émergeaient des yeux d’un bleu intense. Un homme normalement constitué ne pouvait que s’y perdre. Sa bouche, un peu trop pulpeuse et savamment rougie invitait à tous les désirs.
Il associe un barbiturique agissant sur le système nerveux central à un dérivé synthétique, un paralysant musculaire. Cette saloperie serait utilisée par des sectes ou des individus pratiquant l’EMA : l’Expérience de Mort Approchée. D’où son nom.
Vraiment une femme comme il les aimait. Dominatrice, directe, sûre d’elle, jeune et affolante. Même sans Cynthia, ses nuits risquaient d’être longtemps peuplées de rêves érotiques.
Tu me connais, Christiane, je ne résiste pas à l’adage qui dit que négliger son talent, c’est favoriser la réussite des médiocres. Alors, quand il s’agit de Beaulieu…
Delcourt éclata de rire. Elle adorait les traits de génie de son ami. Elle ignorait où il puisait ses tirades, mais elle admirait l’homme et l’influence mystérieuse qu’il avait sur elle. Elle lorgna sa coéquipière avec la bouche ouverte.
Quand elle parlait, tout le monde l’écoutait, même le président de la séance. Le malotru qui l’interrompait devait avoir une sacrée bonne raison de le faire s’il ne voulait pas s’attirer ses foudres. Ses répliques fusaient comme des scuds et ne faisaient pas de blessés. Elle ne craignait personne et elle le faisait savoir haut et fort du haut de ses un mètre cinquante-cinq.
Une gamine de vingt-trois ans, pulpeuse et désirable à souhait, avec une silhouette avenante et une chevelure souple dans laquelle il aimerait se perdre. Elle ressemblait, en plus timide, à Cynthia Flaubert, la bombe sexuelle sublimée de ses phantasmes solitaires. Malheureusement, son responsable, Mathieu Blandin, s’occupait d’elle, sinon, il aurait bien tenté sa chance. Pour l’avoir, il était prêt à tout.
La silhouette de l’officier de police s’était imprimée dans son esprit embrouillé. Elle devinait son corps élancé et musclé, aux épaules larges. Elle se dirigea laborieusement vers sa chambre. Devant la grande glace de sa penderie, elle flotta comme dans un rêve vaporeux. Elle voyait son propre corps se confondre avec celui de l’officier. Sa respiration se fit haletante. Elle ôta sa djellaba et se mira dans la glace, appréciant un physique qu’elle paraissait avoir oublié. Ses mains flottèrent timidement sur ses hanches et ses seins. Elle s’allongea dans l’immense lit moelleux, et se recroquevilla sur elle-même, une main entre ses cuisses. Des larmes coulèrent de ses yeux clos, mélange de honte, de plaisir et de mort, d’obsessions et de renouveau.
Ne faites pas l’innocent Capitaine, vous la dévoriez des yeux et du pantalon ! Mais de là à lui proposer un rancard, c’est un peu fort ! Je suppose que je ne suis pas invitée. Je vous préviens, j’ai horreur de tenir la chandelle, et si vous voulez tout savoir, je préfère les hommes !
Pas de doute, il était attiré par le beau sexe. Dévisageant avec envie la silhouette de la jeune veuve, elle se surprit à se comparer avec elle. Rien à voir. Un corps un peu délicat avec, il est vrai, de beaux atouts, mal mis en valeur par le manque de sport, et un visage commun, sans expression. Elle remarqua aussi les yeux rougis et dilatés. Graciane était une femme attirante qui s’ignorait. Elle séduisait le capitaine sans même s’en rendre compte, l’esprit ailleurs, méconnaissant les joies de l’amour.