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3.75/5 (sur 8 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Bucarest , le 21/05/1880
Mort(e) à : Bucarest , le 14/07/1967
Biographie :

Tudor Arghezi (né Ion N. Theodorescu) est un écrivain roumain principalement connu pour ses œuvres poétiques et sa littérature pour enfants.

Avec Mihai Eminescu, Mateiu I. Caragiale, et Lucian Blaga, Tudor Arghezi est considéré comme l'un des plus importants écrivains de littérature roumaine du xxe siècle.

Entre 1905 et 1910, vit en Suisse et visite la France et l'Angleterre. Ses vers, décrivant un univers complexe, dans une langue originale, déclenchent une véritable révolution dans la poésie lyrique. Par ailleurs, auteur de romans d'inspiration autobiographique, traducteur (Villon, La Fontaine, Molière, Baudelaire, Krylov), et auteur dramatique.

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Bibliographie de Tudor Arghezi   (4)Voir plus

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Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
Accusée de vol par ses maîtres, Măria Nichifor, fière Olténienne aux airs de grande dame, fut jetée en prison alors qu’elle était enceinte.
[...]
Le baptême eut lieu après la messe dans la chapelle de la prison et les malfaiteurs, au grand complet, donnèrent les répons, chantèrent l’Axion et l’Hymne au Seigneur, puis entonnèrent, d’une voix toute veloutée, le « Très Sainte Vierge, Mère de Dieu, ayez pitié de nous ». Seul, le prêtre qui était venu officier, un pope du faubourg, était citoyen libre : tout le reste, chœur, chantres, sacristains, diacres et fidèles avaient à purger des peines allant d’un an de réclusion aux travaux forcés à perpétuité. Toute la gamme du Code pénal était là.
[...]
Sur le seuil du grand portail de la prison, Măria Nichifor chancela, le visage défait, impuissante à achever le pas ébauché. Elle était immobile devant l’enceinte aux miradors garnis de sentinelles, au-dessus de laquelle se dressaient les coupoles de l’église et, plus haut encore, la vaste coupole du ciel blanc d’automne. En face, à quelque distance, on apercevait le cimetière. Et sur la droite, en contre-bas, la route qui descendait vers la ville… vers la capitale.

[extraits de « Măria Nichifor » , p. 195-198, traduits en français par Aurel George Boeșteanu]
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Tudor Arghezi
Air de flûte

Mon cœur est le chemin avec ses pluies,
C’est le chemin poudreux qu’un troupeau d’ovins suit,
Entre les arbres, c’est le chemin mort,
La vigne aux paisseaux qui se tord,
C’est le village et ses chiens, c’est la cour,
La cendre au sillon, le labour,
C’est le troupeau qui paît la terre,
C’est la volée de corbeaux dans les airs,
C’est le buffle levé de sa couche de boue,
Qui, la tête lourde, debout,
Contemple sans fin l’immense vide qui bâille.
Dans toutes les choses mon cœur bat et tressaille,
Dans le poupard que l’anémie travaille,
Dans tous ses membres qui défaillent,
Dans l’essaim de mouches qui grouillent
Et lui mordent la bouille.
Je n’ai pas d’étang net
Où abreuver mes bêtes.
Mes troupeaux aux paissons
Ruminent herbes-de-charbon et oraisons.
Cherchant la source aux neuves ondes,
J’absorbe un vieux brouet de boue immonde,
Mêlé de fange et charogne.
Mon cœur est encore dans la cigogne
Et sa flèche violette qui au ciel se perd,
Il bat avec la scie de fer
Des ronciers sur un désert de pierres tombales,
Dans les souris des champs élémentales,
Dans la guêpe et le taon.
Le chant est dissonant
Et le mot se soupire,
Le bras s’affaisse et tire,
L’aile amollie s’abat.
Le temps me bat, le jour me bat, l’heure en moi bat.

(traduit du roumain par Benoît-Joseph Courvoisier)
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Nous avions autrefois, dans un vieux carton à chapeaux, un ours en peluche. S’il n’avait été d’un jaune d’héliotrope, il aurait été terrifiant et tout le grenier en aurait tremblé. Il y avait encore sous les combles deux moutons pelés, trois vaches expropriées et un étalon qui habitait là parce qu’il était en bois.
Notre ours, donc, était jaune et cette couleur enlève aux choses de leur sérieux et n’effraye personne. C’est bien pourquoi les fleurs l’ont choisi.
[...]
Or donc, notre ours avait pris la mauvaise habitude de voler ; mais il ne volait que des bonbons, du chocolat, de la confiture, des fruits et du loukoum. Sitôt que papa venait à la maison avec quelques boîtes de friandises, l’ours la flairait et s’empressait de la vider, sans que personne le vît.
– Qui a mangé le chocolat ?
– C’est l’nounours, répondait le petit garçon, en haussant les épaules. Y en a plus.
– Et la boîte de bonbons anglais ?
– C’est l’nounours, s’écriaient en chœur la fillette et le garçon.
[...]
Papa, lui, ne corrige ni l’ours, ni l’agneau, ni les balles, car il sait bien qu’ils doivent grandir. Aussi les placards ne sont-ils pas fermés à clé ; les boîtes de bonbons ont leur couvercle légèrement soulevé et la cellophane des pots de confiture n’est pas ficelée : car les balles, n’est-ce pas, ça n’a pas de doigts pour dénouer la ficelle et ouvrir les placards. Et pourtant, un beau jour, papa se mettra sûrement aux aguets, dans le placard même. Et quand l’ours et l’agneau viendront, tout doucement, pour se régaler, une petite cuillère dans leur petite patte, ils tomberont sur papa, caché entre les pots de confiture. Et je ne sais alors lequel des trois aura le plus peur et prendra la poudre d’escampette : l’agneau, l’ours ou papa.
Je vous écrirai alors.

[extraits de « Scrisoare familială » (Lettre familiale), p. 107-109, traduits en français par Aurel George Boeșteanu]
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Tudor Arghezi
Vêpres au son des cloches

Tais-toi. Ne bouge pas.
L’aigle du souvenir s’est réveillé
De ma nuit
Et vole dans l’espace étoilé.

Ne trouble pas l’aurore.
Ô, d’où vient-il
Cet aigle bleu qui a tellement grandi?
Je l’ai laissé sans ailes, dans son nid, tout petit.

Je ne me suis donc jamais égaré
De mon passé.
Il y a encore de l’espoir, il y a encore de la douceur,
Une ombre blanche passe à travers le silence.

Le nuage qui m’avait ravi s’est dispersé!
Chaude pluie, riche pluie,
Tombe généreusement sur mon champ
Où toutes les morts de la pensée
Ont ressuscité.
*
(traduit du roumain par Paula Romanescu)
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Le souper

Deux par deux, en convoi,
Les voleurs passent dans la boue et le froid,
La chaîne aux pieds, avec lenteur,
Enlisés dans un bourbier de sueur.
Le rata a bouilli.
Il pleut. Il fait nuit.
Une louche aussi lourde qu'une pelle
Puise dans deux chaudrons la soupe rituelle.

Quelques-uns ont tué.
D'autres ont un vol ou un rêve à expliqué.
Pour le même enjeu
On abat les nantis, on soulève les gueux.
Étranges revenants d'un blanc de plâtre,
La hanche torse et le dos fléchissant,
Dans l'écuelle où fume une buée roussâtre
Ils semblent transporter leur propre sang.
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Tudor Arghezi
AGATES NOIRES


Comme on est porté au cœur du silence
dans la profondeur de ce ravin
de la nuit pâle, comme l’est la lune
luisant aux grisailles du soir.

Comme se perd l’âme
dans des filets vagues
bercés bord sur bord,
pour la caresser.

Comme feuillets lus,
les papillons blancs cernés d’or
sur des touffes de centaurées
dansent d’une aile fine.

Crissement de soie
noyée de dentelles —
passe un vent léger
étoilé de perles
au long de ma vitre.

Dans ma tête monte
un très vieux parfum
de sein radieux
sur lequel dormait
l’iris d’un bras frêle.

Les yeux fermés, coques de fer,
distribuent leur graine menue
aux yeux d’autrefois.
Et vers le ciel ces tristes arbres :

les voici, les sombres navires
chargés d’un lest mystérieux…
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– Pourquoi le chat fait-il entendre ce ronron ?
– Il file comme le fuseau, murmure comme la mer, chante comme le vent, siffle comme les blés. C'est ainsi que se lamente la forêt, que coule l'eau, que gémit le saule et que gronde l'orage. Dans son sommeil, oreille contre terre, le chat écoute le luth du monde dont la voix chante dans toutes choses, dans celles d'en haut comme d’en bas, dans les précipices comme sur les pics et la crête des espaces… et son rêve se fait entendre, comme un écho des violons des eaux.

[fin du texte « Pisica » (Le Chat), p. 137-138, traduit en français par Aurel George Boeșteanu]
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Ton être te vient de la terre pleinement.
Tu donnes à chacun, contre serment,
Un arpent de terrain et un tombeau.
Tu leur donnes le pain et l'eau,
Avant de reprendre ton dû
Pour nourrir ta malherbe aiguë, tes melons nus,
En les mêlant
À la boue pleine d'ans, à l'âme aux vifs ferments.

(extrait de "La plaine du Bărăgan", page 109)
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Tudor Arghezi
Abondance

Lui, solitaire, amène vers le ciel
Le sillon commencé près de l'âtre, là-bas,
Et lorsqu'on les regarde, empêtrés de ferraille,
Ils semblent, lui de bronze, et ses bêtes de pierre.

Maïs, blé, seigle, orge et millet,
Il n'en sera perdu la moindre graine.
Le soc, quand l'homme le replonge,
Reste en l'air un moment et flamboie au soleil.

Pressé, l'acier déchire en profondeur
La terre lourde, effondrée avec rage,
Avec espoir aussi, jusqu'à l'heure de la lune,
Au bout du champ pose, rond et blanc, son tesson.

D'un peuplier qui, noir, s'appuie au vent,
La nuit descend paisible sur les plaines,
À l'infini, comme d'une quenouille
Garnie avec de la lumière.

Il s'est fait un silence de début des temps.
Toi, tu ne tournes pas les regards en arrière.
Car Dieu, marchant tout proche,
Tu peux voir s'allonger son ombre entre les bœufs.

(traduit du roumain par Claude Sernet)
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Air de flûte

Mon cœur est le chemin avec ses pluies,
C’est le chemin poudreux qu’un troupeau d’ovins suit,
Entre les arbres, c’est le chemin mort,
La vigne aux paisseaux qui se tord,
C’est le village et ses chiens, c’est la cour,
La cendre au sillon, le labour,
C’est le troupeau qui paît la terre,
C’est la volée de corbeaux dans les airs,
C’est le buffle levé de sa couche de boue,
Qui, la tête lourde, debout,
Contemple sans fin l’immense vide qui bâille.

En tout mon cœur bat et tressaille,
Dans le poupard que l’anémie travaille,
Aux membres étiolés,
Dans l’essaim de mouches qui grouillent
Et lui mordent la bouille.
Je n’ai pas d’étang net
Où abreuver mes bêtes.
Mes troupeaux aux paissons
Ruminent herbes-de-charbon et oraisons.
Cherchant la source aux neuves ondes,
J’absorbe un vieux brouet de boue immonde,
Mêlé de fange et charogne.

Mon cœur est encore dans la cigogne
Et sa flèche violette qui au ciel se perd,
Il bat avec la scie de fer
Des ronciers sur un désert de pierres tombales,
Dans les souris des champs élémentales,
Dans la guêpe et le taon.
Le chant est dissonant
Et le mot se soupire,
Le bras s’affaisse et tire,
L’aile amollie s’abat.

Le temps me bat, le jour me bat, l’heure en moi bat.
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