Karen Blixen nous apprend que si la vérité n'est jamais, en définitive, que ce que l'on veut qu'elle soit, le fantastique, lui, est plus qu'il n'y paraît ; c'est une illumination, une révélation, une sagesse plus haute que la conscience.
De temps en temps, je rencontrais en cours de route un livre, un amour, un verre d'eau-de-vie, et alors je sentais distinctement palpiter le cœur de l'animal satisfait, et même, parfois, sa course folle entre mes côtes – je n'avais pas à m'occuper de lui, il se défendait tout seul, mieux encore, c'est lui qui avait soin de moi, tout comme certains soignent la maison où ils habitent, lavent les assiettes dans lesquelles ils ont mangé et le linge qu'ils ont porté.
Nina Cassian, "L'animal"
Il avait perdu partiellement ses poils ; quelques membres, y compris son organe reproducteur, s'était résorbés ; invalide claudiquant et grotesque, tout en globes oculaires – il en avait dix, sortis des orbites, au bout d'espèces de pédoncules raides ; seuls ses yeux étaient érectiles.
Nina Cassian, "L'animal"
Cette histoire, bien que véridique, ne peut se lire à la clarté du soleil. Je tiens à vous avertir, lecteur, n'allez pas vous plaindre d'avoir été trompé : éclairez-vous, mais n'utilisez ni électricité, ni gaz, ni pétrole. Allumez une de ces sympathiques lampes à huile si typiques et d'allure si gracieuses, qui éclairent à peine, laissant dans l'ombre la plus grande partie de la pièce. Ou mieux encore, n'allumez rien, précipitez-vous au jardin, et près de l'étang, dans les effluves enivrantes des magnolias, sous les rayons argentés de la lune, écoutez le conte de la mandragore et du baron de Hélynagy.
Le Talisman par Emilia Pardo Bazan
(1852-1921)
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Détail remarquable : dès 1839, George Sand publie un Essai sur le drame fantastique où elle apporte une définition du genre extrêmement originale pour l'époque. En quelques mots, elle définit ce que des critiques actuels ont appelé le "fantastique intérieur" : "Ni en dehors, ni en dessous, il est au fond de nous", affirme-t-elle.
Une maison hantée, en pleine ville, dans un carrefour aussi fréquenté, c'est plutôt rare. Car c'est vrai, elle est hantée.
D'abord, cela n'avait été pour moi qu'une idée vague. Puis, bientôt un pressentiment. Enfin, une véritable conviction. La conviction qu'une bâtisse pareille, abandonnée, enlaidie, abîmée à l'extrême, gardait quelque chose - un cœur, une âme, une effroyable présence.
Des dizaines de fois, l'envie m'était venue de la visiter, de gravir les neuf marches du perron, de franchir la porte... Il aura fallu que le hasard s'en mêle pour que je me décide.
Jean-Baptiste Baronian. Une maison hantée
En réaction contre la sensiblerie étalée dans le roman noir féminin, Jane Austin écrivit en 1811 une étude dont le titre, Bon sens et sensibilité, se passe de commentaires... George Eliot, pour sa part, intitula un de ses premiers essais "Romans bêtes écrits par des dames"... Cette critique négative était certes nécessaire, mais elle n'apporta guère de solution à la question des femmes, du fantastique et du roman.
Je me levai, frissonnant, et j'allai à la cheminée surmontée d'un miroir tavelé de mouches noires: j'y rencontrai le masque dur de mes pensées.
"Papa, qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'elles font les mouettes ?"
Leur vol était moins direct que celui des corbeaux. Elles continuaient à dessiner des cercles dans le ciel. Elles volaient moins haut qu'eux, aussi. L'on eût dit qu'elles attendaient quelque signal, que quelque décision n'avait pas encore été prise. L'ordre n'était pas précis.