Coplas postumas, de Jorge Manrique.
Ce sont rivières, nos vies,
Qui descendent vers la mer
De la mort.
Là s'en vont les seigneuries,
Tout droit, pour s'y achever,
Consumées;
Là les plus grandes rivières
Se mélangent aux médiocres
Ou infimes.
Là se retrouvent égaux
Ceux qui vivent de leurs mains
Et les riches.
Dites- moi, que sont beauté
Gentille fraîcheur et teint
Du visage,
La roseur et la blancheur,
Lorsque vieillesse survient,
Que sont-elles?
L’adresse et l’agilité
Et la force corporelle
De jeunesse,
Tout se mue en pesanteur
Quand on parvient au faubourg
De vieillesse.
Car ce monde est le chemin
Vers l'autre, où est la demeure
Sans tourments;
Mais il faut avoir du sens
Pour accomplir ce voyage
Sans errer.
Et tant de ducs excellents,
Tant de marquis et de comtes
Et barons
Que nous vîmes si puissants,
Dis, Mort, où les caches-tu
Et emportes ?
Et ces illustres exploits
Qu'ils ont fait voir dans les guerres
Et les paix,
Quand, cruelle, tu t'irrites,
Ta force les met à terre,
Les défait.
Vouloir un homme vivre
quand Dieu désire qu’il meure
c’est folie.
Ni miento ni me arrepiento,
ni digo ni me desdigo,
ni estoy triste ni contento,
ni reclamo ni consiento,
ni fío ni desconfío;
ni bien vivo ni bien muero,
ni soy ajeno ni mío,
ni me venzo ni porfío,
ni espero ni desespero.
¿Qué se hizo el rey don Juan?
Los infantes de Aragón
¿qué se hizieron?
¿Qué fue de tanto galán,
qué de tanta invención
como truxeron?
las justas y los torneos,
paramentos, bordaduras
y çimeras,
¿Fueron sino devaneos?,
¿qué fueron sino verduras
de las eras?
Qué se hicieron las damas,
sus tocados, sus vestidos,
sus olores?