[RARE] PROPERCE Une vie, une uvre : 47-14 av. J.-C. (France Culture, 2005)
Émission « Une vie, une uvre », sous-titrée Une vie en élégie, consacrée à Properce, poète admiré de Chénier, Pound ou Brodsky. Une émission diffusée le 15 mai 2005, sur France Culture, avec Pascal Charvet, Paul Veyne et Florence Dupont.
Tu peux bien, mollement étendu au bord du Tibre,
boire du vin de Lesbos dans une coupe de Mentor,
tu peux bien contempler la rapidité des voiliers
ou le lent cheminement des péniches au bout de leur remorque,
ton parc peut bien lancer vers le ciel la cime d'arbres
aussi grands que ceux qui cernent le Caucase,
tout ton luxe ne saurait pourtant rivaliser avec mon amour
car Amour ne sait obéir à la richesse.
Elégies, I, 14
Ah ! j'aime ma Cynthie à l'égal d'une mère,
Et seulement par toi l'existence m'est chère ;
Cynthie est ma patrie ; elle est, dans mes amours,
Mes parents, et ma joie, et la paix de mes jours,
Et je dois tour à tour ou bonheur ou tristesse
Aux rigueurs de Cynthie ou bien à sa tendresse.
Ses beaux traits n'ont pas seuls captivé ma jeunesse.
(Car le lis est moins blanc que ma belle maîtresse,
Et son teint réunit, dans un merveilleux ton,
La fraîche rose au lait, la neige au vermillon.)
Ce ne sont pas ses yeux, mes étoiles brillantes,
Ni ses cheveux couvrant ses épaules charmantes,
Ni les tissus légers révélant ses contours.
(Des chimères jamais n'enflamment mes amours !)
Lorsque son pied s'agite en des danses bruyantes,
Je crois voir Ariadne au milieu des bacchantes ;
Quand sa lyre résonne et vibre sous sa main,
De l'égaler Corinne essayerait, mais en vain.
C'est la Muse entraînant dans ses vers ; avec elle
Erynna ne pourrait entrer en parallèle.
Ah pereat, si quis lentus amare potest !
(Ah ! périsse celui qui peut aimer avec indifférence !)
L'Amour aime les pleurs ; heureux, dans sa tristesse,
L'amant trompé, qui peut fuir un cœur dédaigneux,
Et pour un nouveau joug former de nouveaux nœuds !
Pour moi, dans mon amour toujours resté fidèle,
Je n'aimai que Cynthie et je n'aimerai qu'elle.
[...] quand le destin redemandera ma vie, quand sur un marbre je ne serai plus qu'un nom[...] ( Livre II, I, v. 71-72 )
Quandocumque igitur uitam mea fata reposcent
Et breue in exiguo marmore nomen ero