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La salle de bal

J’aime beaucoup cette autrice ( j’ai notamment adoré le chagrin des vivants) qui nous emporte dans une histoire d’un amour impossible dans un centre de redressement au début du XX iem siècle. C’est très bien écrit, histoire très originale puissante et envoûtante

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La salle de bal

1911. Asile de Sharston, dans le Yorkshire. Deux mille patients, hommes et femmes séparés, internés dans des bâtiments distincts. Et "au beau milieu de l'asile (...) quelque chose de complètement inattendu : une splendide salle de bal, de quarante-cinq mètres de long sur quinze de large". Chaque vendredi est organisé un bal où sont conviés les patients qui ont été "sages" durant la semaine. C'est la seule occasion pour les hommes et les femmes de se côtoyer et de danser ensemble.



Ella reprend conscience, ignorant où elle se trouve. Atterrée quand elle comprend qu'elle a été internée suite un mouvement d'humeur sur son lieu de travail. Elle fait la connaissance de Clem, enfermée à Sharston pour avoir entamé une grève de la faim destinée à marquer son refus d'épouser un homme que son père et son frère avaient choisi pour elle. Tout le monde et n'importe qui pouvait ainsi passer pour fou et être envoyé à l'asile, au début du XXe siècle : une femme ayant eu un enfant illégitime, un homme en dépression, un indigent...



L'intrigue progresse d'abord lentement, avec une douceur mélancolique, au rythme des jours qui s'écoulent, semblables les uns aux autres. Au rythme des liens qui se tissent entre les personnages et du passage des saisons. L'écriture belle et douce d'Ana Hope permet de découvrir peu à peu les existences blessées des différents protagonistes auxquels on s'attache au fur et à mesure que l'on apprend à les connaître.



John, un Irlandais taciturne, patient de Sharston depuis plusieurs mois, garde en lui des secrets "autour desquels il se referme comme la coquille dure d'une noix". Charles, l'un des quatre médecins adjoints de l'hôpital, mélomane embauché cinq ans plus tôt pour ses talents de musicien et rapidement nommé chef d'orchestre, se sent heureux d'exercer la médecine à Sharston, loin de la pression et de l'emprise paternelle.



Le rythme de l'intrigue s'intensifie dans la deuxième partie du roman, précipité par l'évolution morale de Charles et par ses névroses. Ne nous fions pas aux apparences, les êtres qui basculent de raison à folie ne sont pas nécessairement ceux que l'on interne. Enfant méprisé par son père, subordonné en manque de reconnaissance, obsédé par l'ambition de "prendre sa place dans le panthéon des hommes supérieurs", Charles est sans aucun doute le personnage le plus complexe, le moins aimable et le plus intéressant du roman.



S'il pense initialement que "la musique et la danse participent à une approche efficace des soins apportés aux malades mentaux", ses certitudes sont rapidement ébranlées par les théories en vogue sur l'eugénisme. Suite à un choc psychologique que son esprit est incapable d'admettre, il refoule ses émotions et devient réellement dangereux. L'intrigue s'assombrit, la violence s'extériorise et menace tragiquement les personnages.



A travers le personnage de Charles, Ana Hope aborde l'Histoire méconnue de l'eugénisme en Grande-Bretagne et en Europe au début du XXe siècle (terreau fertile sur lequel se développera bientôt le nazisme).



Vaut-il mieux stériliser les "faibles d'esprit" et les "pauvres chroniques" pour éviter qu'ils se reproduisent ou bien les enfermer dans des centres médicalisés coûteux pour l'Etat ? Ce débat initié par le docteur Tredgold, neurologue et psychiatre britannique spécialisé dans l'étude de la déficience mentale et membre de la Société d'éducation eugénique, s'exprimera lors du congrès eugéniste international de 1912. Charles veut initialement participer à ce Congrès pour prouver que l'on peut éviter la stérilisation obligatoire en créant des centres auto-gérés par les patients afin de réduire les dépenses nécessaires à leur prise en charge.



L'on découvre avec sidération l'enthousiasme de Winston Churchill, alors ministre de l'intérieur, pour la stérilisation forcée des "inaptes" dans le but de "purifier la race humaine de ses membres les plus faibles" et de "concevoir des gens meilleurs". Le projet de loi sur les faibles d'esprit, voté en 1913, autorisera finalement la ségrégation, sans inclure la clause qui aurait permis la stérilisation forcée, retirée au dernier moment.



Toile de fond historique et considérations politiques viennent enrichir ce roman d'une grande sensibilité, dont il est difficile d'interrompre la lecture avant de l'avoir terminé. Les personnages sont touchants. Mention spéciale pour Miss Clemency Church, qui se distingue par son refus de se soumettre aux règles patriarcales, par sa volonté farouche de n'appartenir qu'à elle-même, par son amour de la lecture qui lui permet d'échapper mentalement à l'enfermement, et par sa destinée.
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