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    Darkhorse le 26 juillet 2021
    LEFRANCOIS a


    @Darkhorse excellente verve de science fiction. Le monde des dieux est aussi horrible que celui des simples humains. Brr...


    Merci LEFRANCOIS  !
    franceflamboyant le 27 juillet 2021
    Sasa16 Flower, Sahma, Kea, Agirlinindia : vos textes me touchent par leur singularité et leur intériorité.  Ils sont aussi très méditatifs et conviennent à un "à perte de vue".

    JML 38 : beaucoup d'humour et une écriture plaisante et prenante.

    LEFRANCOIS : texte qui suscite l'inquiétude mais aussi la réflexion.

    Darkhorse, merci pour vos remarques. Je dois relire votre texte.

    Mfrance : je retrouve votre goût pour l'histoire et ses méandres.

    Il me reste des lectures....
    SarM le 27 juillet 2021

         - Vous pouvez retourner vos copies et découvrir le sujet. Vous avez deux heures.

    Voyons un peu ce qu'elle nous a inventé cette fois-ci : « À perte de vue ». Okay. Alors, je vois... Un beau paysage avec des champs parsemés de coquelicots à perte de vue. Bof. Non il faut trouver plus original... Je pourrais jouer sur les mots, pourquoi pas un couple qui se serait perdu de vue, ou quelqu'un qui perdrait la vue ? Je sais, Odin ! Le mythe de la perte de l’œil pour accéder à la connaissance.

    C'est parti – Odin contemple le monde depuis Asgard, abrité par la cime d'Yggdrasil, le grand arbre sacré au centre du cosmos nordique. Depuis qu'il a appris le secret des runes, la soif de connaissance du maître des dieux est inextinguible – et paf, cinq syllabes, ça fait toujours sensation – Le regard du dieu se perd au pied du grand arbre sacré. Entre les racines d'Yggdrasil vit un être dont la connaissance de toutes choses est sans égale – zut, comment il s'appelle déjà... Ah oui – Il se nomme Mimir et il est le gardien du puits d'Urd dont l'eau transmet cette connaissance cosmique. Quand Odin demande à boire un peu d'eau du puits, Mimir le met en garde. Il ne saurait y consentir que si le dieu renonce à l'un de ses yeux. Aucun sacrifice n'étant trop grand pour accéder à la sagesse, Odin s'arrache l’œil gauche et le jette dans le puits – beurk...
    Quoi hors sujet ? Pas du tout... Par contre, c'est encore de la mythologie et je lui en ai déjà servi dans ma dernière rédac... Non, il faut que je trouve autre chose. Allez, zou ! En boule le brouillon. Voilà.
    Or donc, « à perte de vue », il me faut quelque chose d’angoissant. Un naufragé avec pour seul horizon de l'eau salée à perte de vue. C'est bien ça, en plus on a parlé du radeau de la méduse la semaine dernière en Histoire.

    C'est reparti – 2 juillet 1792, journal de bord de Jean-Baptiste Bouvier, quartier maître de seconde classe.

    L'inquiétude me gagne. Notre frégate, la Méduse, s'est engagée dans ce qui me semble bien être les prémices d'un haut-fond : l'eau qui nous entoure a pris cette teinte gris-vert, des traînées d'algues flottent autour de nous et une nuée d'oiseaux criards nous environne... Pourtant, le capitaine est catégorique, nous avons dépassé le banc d'Arguin dans la nuit et nous ne courrons aucun danger. J'ai honte d'écrire cela dans mon journal personnel et j'espère que personne ne mettra le main dessus ; on me prendrait pour un mutin ; mais notre capitaine n'a pas navigué depuis vingt-cinq ans et je doute de sa totale maîtrise de la situation. Je sais que les marins partagent mes craintes : ils ne comprennent pas pourquoi on nous refuse de sonder les profondeurs.

    3 juillet.
    Nous sommes coincés... Hier après-midi, nous avons fini par contrevenir aux ordres du capitaine en sondant les profondeurs. De 18 brasses, nous sommes passés à 10 puis 6 alors, enfin, le capitaine a donné l'ordre de changer de cap. Trop tard. Nous perdons un temps précieux en manœuvres inutiles.

    4 juillet.
    Une tempête se profile et la Méduse n'a pas bougé d'un pouce.

    5 juillet.
    Le navire prend l'eau de toutes parts et il n'y a pas assez d'embarcations pour évacuer les quelques quatre-cent marins, soldats et passagers... Un radeau de fortune a été constitué, il sera remorqué jusqu'à la côte d'Afrique.
    Je n'ai pas eu la chance d'avoir une place dans une des six embarcations, réservées aux hommes plus importants que moi et mieux gradés. Elles n'ont pas été trop surchargées sur ordre du capitaine. Sur le radeau, nous sommes cent-quarante-sept... –

         - Il vous reste cinq minutes.

    Quoi, déjà ? Mais je n'aurai jamais le temps de terminer moi ! Il faut encore raconter comment, après deux heures, la corde qui relie le radeau au dernier canot a été « larguée » pour s'alléger du poids de ce fardeau trop encombrant, les naufragés tellement serrés qu'ils ne peuvent même pas s'asseoir, la tempêtes qui projette certains par-dessus bord et qui brise les membres entre les poutres disjointes, ceux qui se noient volontairement, la soif et la faim qui conduira les survivants à dévorer les cadavres, crus d'abord puis coupés en fines tranches suspendues aux cordages : salées et séchées... Je n'ai même pas rédigé la moindre petite phrase pour décrire l'horreur du bleu mouvant et aveuglant qui s'étend à perte de vue !

    Bon, pas le choix, changement de plan. Il ne me reste que la carte de la provocation, un peu comme de répondre d'un laconique « c'est ça » au sujet de philo : « c'est quoi oser ? »
    J'opte pour une feuille blanche, sans ligne, sans marge et sous le thème imposé « à perte de vue », je trace un point au stylo noir, bien au milieu du blanc immaculé de la page.
    On verra...





                                                                                 .
     


    mfrance le 27 juillet 2021
    Eh bien, c'est tout vu, élève SarM cette copie ne vaut qu'un zéro pointé ! 
    et ceci n'est pas de la provocation.....
    Par contre, je me suis bien amusée à lire ces élucubrations "médusiennes" !
    Heureusement que je ne me suis pas crevé un oeil, j'aurais eu plus de mal à déchiffrer ton texte
    SarM le 27 juillet 2021
    Hi Hi Hi ! Bon je l'aurai tenté et ne nie pas avoir mérité ce zéro... Mais quand même, elle manque d'humour la prof ! ;)
    mfrance le 27 juillet 2021
    Je ne te le fais pas dire !!!
    Par contre, où sont passés les défis d'écriture de mai et juin 2021 !!!! j'aurais aimé retrouver tes textes !
    peine perdue
    Sflagg le 27 juillet 2021
    Salut !

    mfrance, ils sont toujours là, mais, comme ils avaient été pollués par plusieurs messages étranges d'une personne malintentionnée, après nettoyage, ils n'apparaissent plus dans la liste des sujet du groupe. Mais en tapant le mois dans la barre de recherche, ils sont retrouvable.

    Mai 2021.
    Juin.

    A+
    mfrance le 27 juillet 2021
    merci beaucoup Sflagg
    Shishi_bing le 27 juillet 2021
    Le train filait à toute allure. Par la fenêtre, les paysages défilaient à toute vitesse et le soleil se couchait lentement. Dans le wagon, un doux silence régnait. L’arrêt précédent avait été dépassé depuis longtemps et la prochaine gare était encore loin. Le ronronnement du train berçait les passagers qui somnolaient, la tête reposée sur l’appui-tête. A l’horizon, les vallées sombres se découpaient nettement aux ciseaux. Dans le ciel, les nuages vaporeux se teintaient de nuances jaunes, orangés.

    J’ai reposé mon livre sur la tablette devant moi. Entre pensées et rêves, mon esprit vagabondait, libre comme l’air. Dans les mains, j’ai fait tourner les pages entre mes doigts. L’air qui s’y échappait avait une odeur de miel, douce et sucré. Je me suis laisser aller, moi aussi, les yeux perdus dans le paysage.
    Comme suspendu dans le temps, c’était une certaine idée de l’infini.
    maliroland le 28 juillet 2021
    Pour Sarm. Cela me rappelle, en troisième le prof de lettre avait dit sujet libre. Un élève choisit : qu'est ce que le culot. Copie double et à l'intérieur : c'est ça. Le prof connaissant l'énergumène lui mit une sale note.
    Comment s'appelle cette figure de style consistant à dire ce qu'on a dit que l'on ne dirait pas.
    Enfin pour le point, chacun ses goûts, je serais donc enclin en ce qui me concerne à une bonne note pour ce qui n'a pas été dit..

    Pour Shishi'bing, texte court et très agréable, Au temps suspend ton vol me vient d'office à l'esprit.
    SarM le 28 juillet 2021
    La prétérition ? On feint de ne pas vouloir parler d’un sujet, pour en parler quand même ?

    Merci pour la bonne note maliroland   avec mon zéro, ça me fera la moyenne
    SarM le 29 juillet 2021
    Je viens de lire ton texte, je constate que tu maîtrises la prétérition brillamment ;)
    SarM le 29 juillet 2021
    Darkhorse , je suis épatée par ton imaginaire.
    agirlinindia   sahma   et karmax211 , j'ai trouvé vos textes particulièrement beaux.
    Darkhorse le 30 juillet 2021
    SarM a dit :

    Darkhorse , je suis épatée par ton imaginaire.


    Merci SarM. Bien que je lise beaucoup de fantasy, j'ai du mal à en écrire. Je m'y essaie donc ici, à ma façon.
    Quant à ton texte, tu joues habilement avec ce que tu as proposé dans les défis précédents pour nous servir une chute qui nous laisse aussi estomaqués qu'un prof de philo devant une copie si profonde 🙂

    JML38, tu as de la concurrence ce mois-ci avec SarM pour le texte à la chute la plus drôlement surprenante !
    J'ai encore une fois été emmené avec un grand plaisir dans cette aventure !

    mfrance, ce tour d'horizon historique mêlé de mythologie est un texte assez radical et pessimiste, mais tellement véridique. À la place des dieux, je serais aussi complètement dégoûté...
    EveLyneV le 31 juillet 2021
    À l’arrivée des coquecigrues

    Le jour se lèverait d’ici peu. Le temps de se rendre sur le lieu de rendez-vous où Vincent retrouverait ses deux amis. Il buvait un verre d’alcool dans le bureau, quand elle arriva, en proie à une extrême agitation :
    — Reste ici ! je t’en conjure. Cela ne vaut pas la peine de...
    —  Je ne fais que mon devoir !
    Son entrée, inattendue, accentua la lassitude qu’il ressentait depuis sa décision. Face à lui, malgré sa volonté féroce et son travail acharné, les dossiers s’accumulaient sur la table, le privant de toute vue sur le parc. Il se demanda combien de temps il lui faudrait pour les traiter. Il se rappela les discussions interminables et stériles, pendant lesquelles il s’efforçait de soumettre ses propres raisonnements à son père qui s’opposait et lui exposait ses faiblesses, voire ses limites. Désormais seul, il agissait à son aise. Il les compulserait plus tard.

    Il se leva et se dirigea vers le vestibule. Elle se cramponna à sa manche. Il se désengagea d’un geste brusque. Elle faillit tomber.
    — Ne réveille pas notre mère… lui conseilla-t-il sèchement, elle a eu suffisamment de malheurs.
    Elle le rattrapa, alors qu’il ouvrait la porte. Elle le suppliait, se tordait les mains, tentait de   lui démontrer l’absurdité et les conséquences désastreuses d’un acte irréfléchi.
    — Je t’en prie, notre père…
    — Aurait agi ainsi. Je le remplace. Laisse-moi !

    Il sortit dans l’obscurité froide. Elle courait derrière lui, trébuchait. Elle apercevait les lumières de la calèche et entendait les chevaux piaffer.
    — Valentin, ne lui obéissez pas… par pitié !
    Elle grelottait. Il monta et referma la portière.
    — Valentin, nous sommes attendus.

    La voiture traversa la ville silencieuse et endormie. Çà et là, de pauvres hères, recroquevillés à même le sol de pierre, se réveillaient sur son passage et se relevaient péniblement ; ils s’apprêtaient à  reprendre un parcours qui, comme la veille et le lendemain, ne les mènerait nulle part. Très loin, l’aube, conquérante, se profilait. L’attelage franchit les remparts de la ville et, après quelques kilomètres, s’arrêta dans un sous-bois.
    — Théo a du retard, remarqua-t-il en s’extirpant de l’habitacle.
    Seul, William patientait, l’avertit et en profita :
    — Ils sont  là-bas. Vincent, m’autorisez-vous à courtiser votre sœur ?
    — C’est à elle qu’il vous faut demander, répondit-il surpris d’une telle question à ce moment inadéquat dans ce lieu inadapté.

    Théo arriva alors que le groupe les rejoignait dans la clairière. Tous s’entretinrent. Qui donnerait le signal ? On avisa un vieil homme, à demi plié sous une charge de bois, qui passait. Il accepta la tâche contre une pièce, celle avec laquelle ils avaient tiré à pile ou face.
    Le jour avait enfin gagné sa bataille quotidienne et éternelle contre la nuit. Les deux protagonistes, Vincent, le plus jeune et monsieur de M., plus âgé, se tournèrent le dos et comptèrent leurs pas. Au cri, ils devaient appuyer. En même temps.
    Il s’enfonça dans le bois, entrevit les arbres à perte de vue. Il se retourna, fut ébloui par le soleil qui dardait ses rayons dorés et il comprit que le sort lui avait attribué le mauvais côté, face à l’Est. L’horizon flamboyait à l’infini le privant de toute perspective visuelle. Au risque de perdre la vue si on s’obligeait à forcer son regard, sans jamais baisser les paupières. On tira.

    À perte de vue, des couleurs multiples éclataient, se mêlaient et composaient un parterre qui resplendissait. Des jambes s’acheminaient vers lui. Son regard distingua puis confondit bientôt les floraisons et les gens. Peu à peu le paysage s’effaça à l’horizon. Il leva les yeux. Les cimes s’élançaient dans l’espace vers une destination inconnue qu’elles n’atteindraient pas. Près de lui, le torrent tourbillonnait et se jetterait, très loin, dans le fleuve dont les rouleaux sombres fuyaient, indéfiniment.
    Il se souvint de certains propos échangés avec sa sœur, en pleurs, la veille :
    — Cet homme t’a offensée en public…
    — Et je l’ai rappelé aux bonnes manières, et en public aussi. Nous sommes quittes !
    Puis, il pensa qu’elle et leur mère seraient accompagnées ad vitam æternam par William et cette idée le rassura.

    Soudain, il entendit des voix, lointaines :
    — Alors ?
    — Encore un ! J’en compte tellement… Cela fait beaucoup en ce moment ! On n’en finira jamais…
    À bout de forces, il parvint à articuler :
    — Où êtes-vous ?
    — Ici !
    Il ne pouvait pas bouger. Ne voyait rien. Il songeait à la masse des dossiers dont quelqu’un  prendrait connaissance à la Saint-Glinglin. Il lui fallait renoncer à prendre la suite de ses ancêtres, il se résigna. Il ne regrettait rien de son geste. Sa renommée resterait attachée  à l’honneur de sa famille, et on s’en souviendrait pendant des siècles. Il répéta faiblement :

    — Où ici ?
    La réponse ne lui parvint pas. À distance, il perçut des bruits de galop qui martelaient le sol et se rapprochaient. Ils  résonnèrent au plus profond de lui-même, ou plus rien, déjà, ne l’atteignait. Engourdi, il ne sentit pas qu’on le hissait dans une calèche qui l’emmènerait – pourquoi pas ? - au diable Vauvert.
    mfrance le 31 juillet 2021
    Darkhorse   a  dit :

    "mfrance, ce tour d'horizon historique mêlé de mythologie est un texte assez radical et pessimiste, mais tellement véridique. À la place des dieux, je serais aussi complètement dégoûté..."

    merci de m'avoir lue attentivement. Moi aussi, je suis complètement dégoûtée !

     
    Quant à ton texte, il m'a bien déboussolée ! 
    Malgré ce que tu dis  :"Bien que je lise beaucoup de fantasy, j'ai du mal à en écrire. Je m'y essaie donc ici, à ma façon."
    Eh bien, pour quelqu'un qui prétend avoir du mal à écrire de la fantasy, je trouve que tu t'en sors plutôt bien !! et ta façon est tout ce qu'il y a de convaincante.
    Peut-être que tu ne tiendrais pas le coup sur ... disons environ 1000 pages, mais sur un format court ...
    wouaaah bravo
    Cathye le 31 juillet 2021
    Petit mais d'une étendue à perte de vue

    Pareil à ces contrées si riches
    Qui s’étendent à perte de vue
    Battues par des vents incessants
    Le cerveau humain si fragile
    En mouvement, constant
    Détient des ressources inattendues
     
    Des possibilités insondables
    Au-delà de l’impensable,
    Des terrains d’investigation
    Nourrissant notre imagination,
    Regorgent de trésors amènes
    Comme au plus profond des mers
     
    Cachés dans ses méandres encéphaliques
    Les neurones, ces loupiotes
    Qui s’allument et s’éteignent
    Telles des étoiles lubriques
    Se connectent, se percutent même
    Mais qu’importe
    Ils possèdent des transports
    Des envolées incontrôlables
    Une énergie insoupçonnable
    Transcendent nos désirs, époussettent nos peurs
    Et décollent nos semelles qui adhèrent au sol
     
    Alors, ce souffle immanent, vital
    Entre en ébullition
    S’agite en pleine excitation
    Une porte s’ouvre
    L’aventure, sans doute
     
    Mais la montagne reste à gravir
    Qui peut donner le vertige,
    Et la tentation de la contempler d’en bas
    Plus attrayante que l’ivresse des hauteurs
    Pourtant, abattre les murs de la résistance
    Apporte toujours une certaine saveur

    L’inexploré aiguise la curiosité 
    Alors pourquoi se contenter du bas-côté ?
    Big-Bad-Wolf le 31 juillet 2021
    Bonjour à tous ! Voilà ma participation pour ce mois-ci, bravo à tous les participants et bonne chance à tous !

    Immensités.


    L’oniromancienne ouvrit lentement les yeux tandis que ses perceptions se déployaient. L’air salin frappa ses narines, et elle put admirer l’océan qui s’étendait à perte de vue devant elle. Elle baissa les yeux vers ses pieds, qui s’enfonçaient dans un tapis de sable fin. Tout autour d’elle, il lui semblait que la plage n’avait pas de fin. Il n’y avait nul signe de vie, aucun animal, pas un bruit en dehors de celui des vagues et du murmure du vent marin. Son attention se détourna de la rive, alors qu’un appel diffus résonnait dans son esprit. Il l’appelait vers le large, vers l’immensité, vers cet horizon impossible à atteindre. Elle devait trouver cette présence qui avait besoin d’elle.

    Sans guère hésiter, elle avança d’un pas, posant sa botte sur l’eau. Au lieu de passer à travers la surface agitée de vaguelettes, son pied prit appui sur l’élément liquide comme sur un sol parfaitement solide et stable. L’oniromancienne fit un nouveau pas, avant de se mettre en marche sur la surface de l’océan, en direction de l’infini. Elle n’était pas impressionnée outre mesure, malgré cette impression d’infinité qui pouvait effrayer. Ce n’était pas le premier songe qu’elle visitait, ni la première personne qu’elle aiderait. Les angoisses et les blocages de chacun prenaient des formes très diverses. Elle avait aidé un chevalier, il y a quelques temps, piégé dans une sorte de boucle infernale qui paralysait son esprit. Le pauvre hère se faisait dévorer par un dragon dans d’atroces souffrances, avant de se reconstituer pour mieux être dévoré une fois de plus. Dans le monde réel, l’homme s’était retrouvé simplement prostré dans son lit, avec l’attitude d’un possédé. Ce qu’il était, par ailleurs.

    L’oniromancienne traquait les démons qui s’en prenaient aux songes et au subconscient des vivants pour se nourrir de leurs peurs, de leur douleur, de leur détresse. Une fois suffisamment nourris, ils prenaient la vie de leur victime et pouvaient se matérialiser directement dans le monde tangible. Cette fois-ci ne faisait pas exception. À mesure qu’elle avançait, la présence du pêcheur se faisait plus forte. Mais elle sentait aussi des ondes beaucoup plus malfaisantes se mêler à la détresse de son patient. À chaque nouveau pas, les deux essences se renforçaient et se mêlaient davantage. Pourtant, il lui semblait qu’elle se trouvait encore bien loin. Il lui fallait persévérer, remonter à la source des deux présences pour pouvoir remplir son office.

    Il lui sembla marcher ainsi à la surface des flots durant des heures. En réalité, c’était parfaitement impossible à déterminer. Le temps ne fonctionnait pas de la même manière que dans le monde réel, lorsque l’on se trouvait dans l’esprit de quelqu’un. De plus, elle ne pouvait évaluer sa progression qu’en se basant sur sa perception de la présence de l’esprit et de celle du démon, qui se faisaient plus nettes à chaque fois. En dehors de cela, elle n’avait aucun point de repère. Le ciel était uniformément bleu, d’un azur soutenu. L’océan, lui, avait une teinte indigo profonde. En dehors de ces deux étendues de bleu infinies, elle n’avait strictement rien qui l’entourait. La fatigue, néanmoins, ne pouvait être physique. Il ne s’agissait que d’endurance de l’esprit, et par chance, l’oniromancienne en avait à revendre. Elle était loin d’avoir puisé dans ses ressources.

    Au moment où ses perceptions lui indiquaient une double présence si proche et si palpable qu’elle s’attendait à pouvoir la toucher, elle aperçut enfin des formes venues troubler l’immensité qui l’entourait. L’oniromancienne pressa le pas jusqu’à ce que ces silhouettes indistinctes grossissent et se rapprochent. Elle parvint bientôt à quelques mètres de son patient, qu’elle identifia sans peine. Ses perceptions lui indiquaient que les émanations de l’esprit et du démon provenaient de cet homme. Quant à son problème, il était pour le moins évident… La boucle de torture que lui infligeait le démon était apparue à l’oniromancienne très rapidement après son arrivée, mais à présent elle pouvait en mesurer l’ampleur.

    L’homme, un simple pêcheur, se débattait dans l’eau sur laquelle elle-même parvenait à marcher sans peine. Tentant de nager, il se retrouvait pourtant à faire le bouchon en menaçant de couler dans sa panique. Sa bouche était ouverte sur des cris de panique qui pourtant ne produisaient aucun son. Autour du pauvre homme, trois silhouettes sombres nageaient en cercles concentriques sans le lâcher, menaçantes. Des ailerons de taille importante dépassaient des flots. L’un des requins, noir, colossal, fit un brusque bond hors des flots et s’abattit à proximité de la victime du démon, l’éclaboussant copieusement et augmentant d’un cran sa terreur lorsque sa gueule emplie de dents acérées comme des poignards passa près du pauvre hère. La peau de la créature était parcourue de veinures rouges et luisantes d’une énergie maléfique.
    Big-Bad-Wolf le 31 juillet 2021
    L’oniromancienne s’arrêta à quelques pas de la scène. L’homme ne l’avait même pas remarqué, captif de son cauchemar où il était définitivement englouti dans l’infini de ses terreurs, sans pouvoir obtenir du secours. Sur la peau de la victime, une sorte de masse grouillante noire et rouge s’étendait peu à peu. Le corps de la victime semblait s’effacer à mesure que cette chose progressait, luisante, malsaine. Des racines noirâtres avaient déjà atteint les globes oculaires de l’homme. Visiblement, il n’en avait plus pour longtemps. Son assimilation par le démon n’était plus qu’une question de temps. Ses proches avaient trop tardé à faire appel aux services de l’oniromancienne.

    Celle-ci expira lentement avant de puiser dans ses pouvoirs magiques. Cela lui demandait un effort considérable, car elle devait établir le lien entre son propre esprit et son corps qu’elle avait momentanément quitté. Au moment où elle sentit l’étincelle familière et rassurante de sa magie en elle, un sursaut, une pulsation mauvaise se produisit dans l’esprit du pêcheur. Une onde de choc s’étendit autour d’eux, comme si quelque dieu avait subitement abattu un bâton sur un tambour géant. Le démon avait pris conscience de la présence de l’intruse, et il lançait un sursaut d’avertissement comme une bête sauvage qui se redresse soudain pour faire face.

    Malgré cela, l’oniromancienne parvint à établir le contact avec l’homme qui se débattait toujours dans les flots. À l’instant où elle parvint à le toucher, elle vit soudain ses yeux se river sur elle. La surprise surpassa un instant la panique sur le visage du pêcheur, avant que celui-ci ne se remette à crier et à appeler à l’aide de plus belle.

    « Au secours ! Je me noie ! Les requins ! A l’aide !

    - Calmez-vous. Je suis là pour vous aider. Tâchez de vous souvenir. Comment vous appelez-vous ?

    - K… Kal.

    - Très bien, Kal. Je suis une oniromancienne, et je vais vous tirer de là. Vous n’êtes pas en train de vous noyer. C’est un rêve, vous voyez ?

    L’homme continuait à se débattre, et la panique était toujours visible dans ses yeux. Les requins s’étaient mis à nager de manière plus furieuse, manifestation visible de l’ire du démon qui refusait que sa proie lui échappe.

    - C’est un… Non, c’est impossible ! Il y a eu une tempête en mer, et je me suis retrouvé là, seul. Ces requins attendent que je me fatigue pour me dévorer ! Aidez-moi, je vous en supplie !

    L’oniromancienne avait commencé à tisser un sort de conjuration dès l’instant où elle avait pris contact avec le pêcheur. Ses lèvres remuaient silencieusement tandis que la trame d’un bleu scintillant se tissait autour d’elle. Visible d’elle seule, le sort prenait peu à peu de la force et de la consistance, et elle le renforçait à chacun instant, brin par brin. Pour autant, elle allait avoir besoin de l’aide de Kal pour repousser le démon. Si celui-ci trouvait la moindre chose dans l’esprit de sa victime à laquelle se raccrocher lorsque le sort serait initié, alors la possession reprendrait de plus belle quelques semaines plus tard.

    - Kal, vous devez me faire confiance. Si c’était réel, je ne serais pas auprès de vous, parfaitement sèche, à marcher sur l’eau. Vous êtes tombé sous l’emprise d’un démon de la peur, qui se nourrit de vos angoisses et de vos forces. Fermez les yeux, respirez. Vous n’entendez pas cette voix insidieuse dans votre tête qui vous pousse au désespoir ?

    Alors que le pêcheur encore hésitant et apeuré, finissait par obéir, l’oniromancienne sentit une vague d’énergie noire l’assaillir et menacer de briser sa concentration. Elle tint bon, même lorsqu’elle sentit des tentacules maléfiques ramper le long de son corps et l’enserrer peu à peu. Le démon s’était déjà bien nourri, et il pouvait se permettre de gaspiller de l’énergie en s’en prenant à elle. Un bras de fer magique était en train de s’engager.

    - Je l’entends… Je crois. Il me dit que c’est sans espoir. Que ces choses vont me dévorer !

    L’un des requins plongea soudain et se rua vers les pieds du pêcheur, qui poussa un glapissement de pure terreur. L’oniromancienne sentit les tentacules obscurs se refermer sur elle avec plus de force, l’un d’entre eux commençant à s’enrouler autour de sa gorge. Même si cela semblait impossible, elle se mit à transpirer sous l’effort pour maintenir le tissage de sa conjuration tout en repoussant les assauts du démon.

    - Kal, croyez-moi, il ne peut faire que ce que vous lui donner le pouvoir de faire. Nous sommes dans votre esprit. C’est votre domaine. Vous pouvez vous en sortir, et je vais vous y aider. Prenez ma main, et je vous assure que tout sera bientôt terminé. »

    Dans un geste rendu lent par les contraintes imposées par le démon, l’oniromancienne tendit le bras vers le pêcheur. Celui-ci la fixa, continuant encore de se débattre dans l’eau tout en menaçant de couler. Elle pouvait presque entendre le démon de la peur susurrer à l’oreille de sa victime de ne surtout pas bouger, qu’elle était là pour l’entraîner sous les flots telle une sirène traîtresse. L’oniromancienne se battait et sentait ses forces diminuer. Le démon était fort, et il ne lui manquait plus grand-chose pour achever l’homme et prendre corps dans le monde réel. Elle avait l’impression qu’une chape de plomb lui couvrait le corps. La trame de son sort continuait à se renforcer, mais elle savait qu’elle ne pourrait pas parvenir à vaincre sans l’aide de la victime. Elle n’avait pas de prise directe sur un esprit qui n’était pas le sien, et elle ne pouvait même pas l’influencer avec la même efficacité que le démon.

    Pourtant, Kal fit bientôt un geste dans sa direction. Comme un somnambule, il tendit une main maladroite vers elle en espérant saisir la sienne. Une violente onde de rage se fit sentir, et l’oniromancienne perçut les tentacules obscurs qui se resserraient sur elle à lui couper le souffle, à lui briser les os. Incapable de prononcer un mot, elle riva son regard à celui du pêcheur, l’encourageant par ses moyens mentaux et magiques. Pouce par pouce, leurs doigts se rapprochaient. Le démon se débattait, retenait sa proie. L’oniromancienne sentait des dagues de feu incandescentes percer ses chairs, menacer de la déchiqueter. Le ballet des requins géant était devenu frénétique. Ils se transformaient à vue d’œil, devenant des léviathans maléfiques munis de dizaines d’yeux, de tentacules, de multiples bouches avides. À l’instant où ses doigts entrèrent en contact avec ceux du pêcheur, elle relâcha son sort qui était enfin achevé. Et fut immédiatement rejetée hors de l’esprit de Kal.

    L’oniromancienne ouvrit les yeux en prenant une violente inspiration. Elle cligna des paupières, éblouie par la lueur d’une chandelle qui peinait à repousser les ténèbres nocturnes. Elle perçut bientôt le bruit de la mer, hors de la cabane de pêcheur où elle se trouvait. Assise sur une chaise face à la couche sur laquelle reposait Kal, elle tenait encore entre ses mains le poignet de celui-ci. Tremblante et en sueur, elle parvenait à mesurer la débauche d’énergie qu’elle avait dû dépenser pour bannir le démon de la peur. Mais un seul regard avait suffi pour qu’elle se rende compte qu’elle avait réussi. Le pêcheur avait repris des couleurs, et il semblait calme et apaisé. Sans doute ne se réveillerait-il pas avant plusieurs heures encore, mais il était sauvé. Elle n’aurait su dire si sa mésaventure allait l’empêcher de poursuivre sa profession. Un tel traumatisme, une peur de finir noyé dans l’immensité d’un océan sans fin, sans personne pour l’aider, et pour finir dévoré par des monstres… Assurément, elle allait devoir le revoir quelques fois pour s’assurer qu’il ne gardait pas de séquelles.

    Elle sentait sur elle les regards inquiets de la femme et des enfants du pêcheur, qui avaient assisté au processus et n’avaient pas encore osé lui parler. Elle allait devoir les rassurer. Mais pour le moment, l’oniromancienne ferma un instant les yeux, pour reprendre ses forces. Le pire était derrière eux, et elle pouvait bien se reposer un bref instant avant d’affronter le monde réel.
    mfrance le 31 juillet 2021
    Voyons Big-Bad-Wolf   serais-tu toi-même oniromancienne ? On s'y croirait !





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