LE VIEUX CHEF INDIEN
C'était l'houre où les bois n'éveillent aux ramages
Des ruisseaux babillards et des oiseaux sauvages ;
Où du soleil levant les radieux reflets
Redonnent leur couleur aux feuilles des forêts ;
Où le pétrel hardi de la plage s'élance
Vers les flots menaçants que l'orage balance.
Sur les bonis inconnus où le vaillant Cartier..
A Dieu comme à son roi se vouant tout, entier,.
Était venu naguère élever la croix sainte,
Un vieillard cheminait jetant au vent sa plainte.
La tristesse ridait son visage cuivré ;
Comme un arbre fleuri, comme un tapis ouvré
Son corps était orné de figures bizarres ;
Et nouant ses cheveux, les plumes les plus rares.
S'élevaient sur sa tête on panache éclatant.
Sur les vagues d'azur son œil allait flottant
Comme le frêle jonc, comme l'algue légère,
Et paraissait chercher une rive étrangère.
Et, quand il était las de regarder les flots.
Le vieillard exhalait de lugubres sanglots ;
Et d'une main tremblante armant son arc de frêne.
Vers une haute croix qui dominait la plaine,
Il lançait, furieux, un trait empoisonné.
De son audace alors il semblait étonné,
Et reprenait pensif sa marche solitaire...