Ne vivent haut que ceux qui rêvent
Mes filles, mes Divines, je vous conjure d’admirer. Tout est fabuleux pour qui sait regarder. La fraîcheur du regard est le commencement de la sainteté. Détournez vous des gens masqués et de l’imbécilité des aveugles… Vous êtes ad vitam aeternam les invitées d’une fête… Je voudrais face à la vie vous savoir sans crainte et sans tremblement….
Oui, la terre est une femme qui sera consolée parce qu'elle n'aura cessé d'appeler et d'attendre, sur tous les rythmes des sons et des couleurs et par la magie de tous les verbes, ce qui se trouve au-delà de la terre de toute éternité. L'art n'est que la respiration haletante de l'amour.

Les vieux de chez moi ont des îles dans les yeux
Leurs mains crevassées par les chasses marines
Et les veines éclatées de leurs pupilles bleues
Portent les songes des frêles brigantines
Les vieux de chez moi ont vaincu les récifs d'Irlande
Retraités, usant les bancs au levant des chaumières
Leurs dents mâchonnant des refrains de Marie Galante
Ils lorgnent l'horizon blanc des provendes hauturières
Les vieux de chez moi sont fils de naufrageurs
Leurs crânes pensifs roulent des trésors inouïs
Des voiliers brisés dans les goémons rageurs
Et luisent leurs regards comme des louis
Les vieux de chez moi n’attendent plus rien de la vie
Ils ont jeté les ans, le harpon et la nasse
Mangé la cotriade et siroté l’eau de vie
La mort peut les prendre, noire comme pinasse
Les vieux ne bougeront pas sur le banc fatigué
Observant le port, le jardin, l’hortensia
Ils diront simplement aux Jeannie, aux Maria
"Adieu, les Belles, c’est le branle-bas"
Et les femmes des marins fermeront leurs volets.
Xavier Grall - Les (vieux) Marins p87
Je m'en reviendrais,
avec ma musette pleine de larmes, de livres et de rêves.
Et à mon tour je dévorerai l'Inconnu
dans une ineffable et éternelle étreinte.
Je m'en viendrai avec la souvenance des paysages et des peuples.
Chanteront les mers, danseront les galaxies, tressailliront les peuples.
Donner, se donner.
Nous sommes tous dans la main du Grand Amant
et les premiers balbutiements de notre adoration
sont les premiers moments de notre dignité.
MENHIR
Tout est bien de ce qui est
Tout est bien de ce qui sera
J’ai vécu mes journées
Viendra ma nuit
La mort ailleurs continue les songes de la vie
Le soleil ne se lasse de caresser la stèle funéraire
Sans que la terre en tire ombrage
Et les pluies adoucissent la rigueur ossuaire
Tout ce qu’il est possible d’aimer
Je l’ai aimé
J’ai fait aller le mythe avec la théologie
Et le rêve toujours épousa ma raison
Ainsi par les chemins d’Argol
La pierraille chante avec l’ancolie
Menhir
Je veux une mort verticale
Parmi les ronces paysannes
Que nul féalement ne grave mon nom
Nulle épitaphe sur la pierre
Nulle dédicace au granit
Menhir
Je veux seulement des vocables de lichen
Et la jaune écriture que silencieusement burinent
Les bruines hivernales et les vents d’océan.
Xavier Grall, Oeuvre poétique, La Sône, des pluies et des tombes, p 116
Renier la beauté du monde, c’est pécher contre la Lumière.
Dieu ne pardonne pas cette insulte. »
Dieu me dévore, ma puissance fut le vent. Mon étude fut la mer. Ma connaissance fut celle du monde. Et mon amour fut vaste comme l'horizon d'Aran.
Cela ne me sera pas enlevé, cette amitié des saisons, ces noces avec le soleil, cette farandole dans les vents. On ne m'enlèvera pas tout. Ni cette haine des mensonges, ni ce mépris des sépulcres. La pureté est violente, subversive. Tant pis.
Moi, j’aime le mot paysan. C’est le plus beau puisque le plus vrai. Il y a « pays » dans ce mot là. Il y a de la terre dessus. De la pluie. Des tiges. Des semailles. Des blés. Ne me parlez pas d’exploitants. Ce mot est laid comme le mot profit.
(…)
C’est à partir du XIX e siècle que les hommes se sont mis à renier leurs origines et à brocarder la paysannerie. Quitte à mettre leurs enfants dans les usines atroces et à jeter les filles sur le pavé des sombres villes. Ce fut l’époque du Capitalisme triomphant. Et comme les êtres exploités, les villages se sont tus.