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TheBookEdition.Com (10/01/2013)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Ludovic de Saint Ange, médecin dans une petite ville, regarde ses patients qui le regardent.

Ludovic de Saint Ange, médecin dans une petite ville, regarde la petite société autour de lui, qui le regarde à son tour.

Récit de l'enfermement social, choisi ou imposé, des accommodements en demi-teinte et de l'étouffement conventionnel d'une vie, ce texte tend un miroir aux lecteurs: Ludovic de Saint Ange n'est-il pas un peu chacun de nous?
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Faire un résumé de ce livre m'est difficile. Si je prends l'intrigue réelle, je dirai que nous suivons Ludovic de Saint Ange (je vous l'accorde, il a un nom digne d'Harlequin, mais c'est vraiment sans importance), Ludo donc est médecin généraliste dans une petite ville du Sud-Ouest et éprouve soudainement des douleurs violentes au niveau de l'entrejambe. Inquiétude, traitements divers puis consultation avec un spécialiste ami, il finira par se faire opérer d'un kyste bénin à la prostate. Fin de l'histoire. C'est tout ? C'est ça le chef d'oeuvre ? !! Oui pour l'intrigue principale, nous ne sommes pas ici chez Joël Dicker, avec des péripéties ineptes toutes les trois pages (Harry Québert, vous savez...). Non, car tout ceci est le prétexte à une description au scalpel de cette petite bourgeoisie de province, fière de ses origines et de son rang, survolant dédaigneusement le commun des mortels, sûre de son bon goût et de sa morale dont le seul but est d'amplifier et promouvoir sa richesse ancestrale. Mais comme l'auteur a beaucoup de choses à dire (c'est un premier roman je crois ), il intègre d'autres portraits comme ceux des patients du médecin, gens simples, malmenés par la vie, mais aussi une réflexion sur le corps, triomphant ou vieillissant, puissant ou asservi, refait ou laissé à l'abandon. Et comme nous sommes dans un roman ambitieux, en filigrane, court toute une analyse sur l'élevage des mâles dans un grand Sud-Ouest machiste.
Tout ça me direz-vous, ce n'est pas un peu copieux ? Pas du tout, surtout que bien d'autres sujets sont également abordés, c'est simplement mené avec brio et surtout avec un point de vue comme on en trouve peu dans les romans d'aujourd'hui. le personnage principal n'est pas vraiment sympathique et porte sur ce qui l'entoure un regard peu amène mais souvent juste. On est à l'opposé du docteur Sachs de Martin Winckler auquel le début fait penser. Mais là où ce dernier n'était que sirop et bons sentiments, de Saint Ange est ambigu, impitoyable parfois, trop objectif. Il navigue dans un milieu médical, décrit ici comme une machine à faire du fric, avec un cynisme total et finalement assez déstabilisant pour le lecteur. Il pense tout haut ce que certains n'aiment pas songer même tout bas, tellement l'époque essaie d'affadir la pensée pour mieux endormir les foules. Cela nous donne des passages d'une grande vérité, à l'écriture saignante et précise. Voila un roman comme je les aime : pas aimable pour deux sous mais totalement stimulant pour le lecteur. Plusieurs fois, j'ai obligé mon entourage à écouter la lecture de certains passages, tellement le ressenti était fort, interrogatif (mais il va où là ?) ou tout simplement magnifique de lucidité.
Lucide comme l'était le Breat Easton Ellis d"'American psycho" auquel l'auteur fait beaucoup référence, intégrant même Patrick Bateman, le héros de ce portrait des dérives de la société libérale, dans quelques courtes scènes du roman. Dans les nombreuses références et clins d'oeil qui apparaissent au fil des pages, je garderai celle à Céline (celui du "Voyage au bout de la nuit") auquel l'ampleur de ce livre fait parfois penser même s'il recèle ici ou là, quelques maladresses ou flirte quelquefois tout près du cliché.
A cent coudées au-dessus de bien de romans publiés en ce moment et malgré une édition uniquement numérique, nos grands éditeurs feraient bien d'aller faire un tour du côté de chezYann Frat. Bien cornaqué (parce que oui, il y a surement un petit toilettage à faire dans le manuscrit), ils pourraient en faire leur nouveau Houellebecq ( on pense aussi parfois à lui ) ou un nouveau Mauriac sans la culpabilité judéo-chrétienne. Vous trouvez que j'en fais trop ? Allez voir de vous même et vous me direz...
Un peu plus sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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Ludovic de Saint Ange ne voulait pas de la situation que lui avait préparé son père, médecin comme lui et est parti s'installer dans la ville d'à côté. Marié, deux enfants, englué dans une vie provinciale de petit notable, il n'a que le recours, quand il étouffe, de l'école buissonnière sous la forme de voyages et conférences offerts par les labos pharmaceutiques en échange de prescriptions de leurs produits vedettes.


D'une vie banale, désenchantée, Yann Frat tire un portrait de notre société pessimiste mais avec pas mal d'humour et de talent : on est loin de cette littérature sans enjeu, de confort, qui encombre les rayons des supermarchés de la culture et il est vraiment dommage que l'auteur n'ait pas trouvé d'éditeur.


D'ailleurs, comment un livre auto-édité trouve-t-il ses lecteurs ? On ne va pas spontanément vers ces livres-là quand l'auteur n'est pas un proche, on se dit que si un bouquin n'a pas trouvé d'éditeur il doit y avoir une bonne raison (même si l'on sait que les mauvais bouquins sont la plus grosse partie de la production des éditeurs, tant que ça se vend...) Pour ma part, c'est après avoir découvert et apprécié les blogs de Yann Frat, ses comptes-rendus de lectures aussi, que je me suis décidé à commander son livre. Et je ne le regrette pas.


(L'ouvrage est disponible sous forme imprimée et en PDF. Les liens sont sur le site de l'auteur)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Je la regarde s'habiller encore un instant puis je visualise subitement son mari mou, sympa et un peu impuissant qui soutient les Girondins de Bordeaux. Ensemble ils achètent des livres ou des CD le samedi chez Leclerc ou parfois à Cultura, en fait ils ne quittent que rarement les centres commerciaux parce que c'est plus pratique. Ils vont souvent à Euro Disney parce que c'est sympa et qu'ils ont besoin de se détendre. Le week-end ils mangent parfois au Buffalo Grill ou au Bodegon Café parce que c'est copieux et que les serveurs sont en short et ça c'est sympa. Ils ont meublé tout leur pavillon chez conforama parce que c'est bien Confo et puis les meubles y sont bien pratiques. Enfin ils vivent en périphérie de la petite ville parce qu'avoir un bout de verdure, vivre-comme-à-la-campagne c'est important. Je regarde une fois encore son corps et elle me donne subitement, elle matérialise subtilement, le Grand Gentil Vertige. Le Grand Gentil Vertige tiède, hypnotique et redondant, fascinant d'ennui et de vide, d'une gentille vie moyenne de classe moyenne. Dans quelques temps elle va faire un enfant, un seul, et puis elle va enfin devenir vraiment vieille, le meilleur de sa vie, son apothéose. Elle fouille dans son sac à main en skaï lisse marron clair, sort les clés de son monospace et je vois que son porte-clefs est une figurine de Titeuf. Et ça, ça me fascine. Avec moi les porte-clefs des labos ne survivent jamais plus de quinze jours, dézingués très vite et ne me laissant que l'anneau en métal au fond des poches mais les siens sont toujours nickels. Je réalise qu'elle a donc le temps d'acheter des porte-clefs régulièrement et le Grand Gentil Vertige abyssal s'agrandit encore devant moi : avoir le temps dans sa vie d'adulte d'acheter des porte-clefs régulièrement. Le temps de consacrer du temps à acheter posément et régulièrement un porte-clefs comme on choisit un accessoire essentiel. Le temps d'entrer dans ces magasins remplis de gadgets inutiles, hideux et plastifiés. Quadrature du cercle, je suis sûr alors que les sièges de sa voiture sont toujours absolument nickel, que sa maison de banlieue verte est toujours absolument nickel, que sa vie est absolument nickel. Et qu'elle vit, pour finir, dans une vertigineuse gentille bulle vide, neuve, propre, lisse, unie, pastel, calme, gentille, stérile et sympa comme une angoisse nocturne. Un frisson froid me mord l'échine. Elle se lève et me dit au revoir dans les effluves du dernier parfum de Mariah Carey.
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Je m'enfonce dans mon fauteuil chaud. J'écoute un instant le calme autour de moi, le silence après les fantômes mais tout à coup cette ville et ces gens me semblent totalement insupportables. J'attrape mon téléphone. Musique idiote puis une standardiste : Laboratoire Sanifor bonjour ! Pourrais-je parler à Sophie Nelson ? Ne quittez pas... Re musique idiote, destruction de Mozart en mode midi : Oui ? Sophie c'est Saint Ange... Dis-moi, j'ai très envie de partir un peu, tu n'as rien sur Paris dans le mois qui vient ? Je l'entends sourire : Toujours droit au but c'est ça ? J'acquiesce : Tout à fait, alors tu as quelque chose ou pas ? Sophie baisse la voix : Ecoute, je ne sais pas, je distribue des médicaments et pas des voyages moi, t'as eu tes objectifs sur ma zone ? Je tousse : On les a même dépassés il me semble ! Elle soupire : Attends je vais voir...
...
...
J'ai une formation d'un jour sur la douleur, dans quinze jours si tu veux... ça ira ?Tu plaisantes j'espère, tu n'as pas plus court ? Attends Ludo je les invente pas les formations moi ! Elle m'agace : Et les patients qui ont besoin de tes coupe-faims, je ne les invente pas, moi, peut-être ? Elle soupire à nouveau : Bon j'ai peut-être quelque chose mais c'est pour les psychiatres... C'est cinq jours de formation à côté d'Orsay sur « le deuil et la dépression »... Je m'enfonce dans mon fauteuil : Et c'est pour apprendre à fourguer quoi ? Elle soupire : Le Zoprac, il baisse un peu en France en ce moment, c'est en partenariat croisé avec les PFG... Ok je prends !
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