AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Antyryia



En achetant ce roman dès le 06 octobre, jour de sa parution, au centre commercial, je pense n'être pas le seul à avoir vécu un court moment de solitude.
- C'est quoi le titre du roman que vous recherchez ?
- Je sais pas.

Mais le titre n'aurait pas pu être différent. Tel un leitmotiv, il revient régulièrement dans la bouche de la petite Emma, 5 ans.
"La petite fille tourne vers son père un visage d'ange.
- Je sais pas"
"Emma semble hésiter. Elle finit par ouvrir la bouche, comme si elle était sur le point de capituler. Dupuis ( capitaine de police ) l'encourage d'un signe de tête.
- Je sais pas, répète-t-elle sans sourciller."

Mais le lecteur lui, il sait. Oh, il est loin de tout savoir puisqu'il doit composer avec les éléments que Barbara Abel daigne bien lui donner au fur et à mesure, mais il sait ce qui s'est passé dans la forêt et ce dont Emma a été témoin durant sa tragique sortie scolaire de fin d'année.

Vous vous souvenez de Damien, ce mignon petit garçon de 5 ans qui incarnait l'antéchrist dans La malédiction ( le film et le roman de David Seltzer ) ? Emma m'a beaucoup fait penser à lui. Ce que ne dément pas la quatrième de couverture ("Pourtant, ne dit on pas qu'une figure d'ange peut cacher un coeur de démon ?"). Cette mignonne petite fille semble diabolique. A la fois toute fragile et terrifiante, manipulatrice. J'avais parfois envie de la secouer et de lui hurler dessus tant elle me paraissait perfide, hautaine, calculatrice et de mauvaise foi.
Ci-dessous quelques extraits, Barbara Abel étant la mieux placée pour décrire son personnage :
"C'est difficile de dénigrer une enfant de cinq ans."
"Son très jeune âge la rend vulnérable, tout en lui donnant une impunité dont elle semble avoir conscience."
"Il se dégage d'elle une candeur qui ferait fondre les plus insensibles."
"Le plus terrible dans le Je sais pas d'Emma, c'est qu'il dit clairement son refus de parler, sans qu'on puisse en appeler à la moindre responsabilité."

Mais, au risque de me répéter, le lecteur ne sait pas tout. Puisque l'auteur a des talents de magicienne et influence nos esprits sans qu'on s'en rende compte. Elle choisit consciencieusement ce qu'elle nous révèle et ce qu'elle nous cache, afin de nous emmener où elle veut et de créer un nouveau point de vue sur les évènements. Mais nous ne sommes pas omniscients. Loin s'en faut. Ici pas réellement de grand méchant dont il faut deviner l'identité, l'énigme consistant à anticiper les rebondissements et révélations pour les lecteurs les plus habiles.

Je ne vais pas non plus trop en dire afin que ce roman conserve pour tous tout son charme et toutes ses surprises.
Le point de départ est donc celui - ci : Dès le prologue Emma surprend sa mère Camille avec son amant. Elle voit une étreinte et entend quelques mots doux. Qu'a t-elle deviné ?
Toute la suite est une sorte d'effet papillon ( tiens, "papillon" est justement le surnom donné à Camille par son nouveau prétendant ! ) aux insoupçonnables ramifications provoquées par ce spectacle auquel la petite fille n'aurait pas du assister. le raz de marée provoqué par ce frêle battement d'ailes entraînera dans ses vagues tumultueuses Patrick ( père d'Emma et époux vaniteux de Camille, toujours apte à juger catégoriquement ), Etienne ( la liaison extra-conjugale ) et Mylène, l'institutrice sévère de la fillette.


J'ai adoré ce roman, mon premier Abel mais certainement pas le dernier. Il n'a pas volé son qualificatif de page-turner tant il s'est avéré difficile à lâcher. J'ai été pris dès les premières pages dans cet engrenage fatal et plus j'avançais, plus je voulais savoir, connaître la suite. Au départ j'ai pensé que le style n'était pas totalement affirmé mais ce type de suspense demande une écriture très fluide qui était finalement tout à fait adaptée. Je ne suis même pas sûr de ce que j'ai lu. Un suspense psychologique ? un thriller machiavélique ? Mais également à certains niveaux un petit bijou d'humour noir tant certains bouleversements sont ironiques et imprévus , tant les réflexions sur la famille et les liens filiaux sont grinçantes et inhabituelles. J'ai également beaucoup aimé les impressionnants talents de procrastination de Camille, la mère d'Emma
et tout ce champ lexical autour du savoir, illustrant le titre de différentes façons et disséminé tout au long du livre :
"Je ne savais pas, je savais... de quoi tu parles à la fin?",
"Ne pas savoir est source de tous les possibles. Et parmi les possibles, le pire est toujours celui qui s'impose à l'esprit avec le plus de férocité",
"Camille elle, elle sait. Oui cette fois elle sait. Et pour le coup elle aurait préféré ne pas savoir.",
"Ou elle se souvient, ou elle ne se souvient pas. Mais ne pas savoir ça ne veut rien dire."

Au cas où il subsisterait un doute, je rejoins donc les avis quasiment unanimes autour de ce livre et ne peux qu'en conseiller la lecture à tous les amateurs de thrillers psychologiques familiaux. L'histoire est aussi intéressante que prenante et réfléchie, et sort des sentiers battus de cette actuelle mode littéraire.

Ps : Si au restaurant, si vous avez envie de purée plutôt que des frites qui sont proposées, contentez vous du menu tel qu'il est. Ca évitera probablement tout incident fâcheux.
Commenter  J’apprécie          3114



Ont apprécié cette critique (27)voir plus




{* *}