Les Fantômes de Gaunt - Cycle 3, tome 4 : Seule la mort

- Quand on s’entoure de bons éléments, de bonnes choses arrivent, dit le Général.
- Je me suis toujours entouré de bons éléments, Barthol. Pourquoi croyez-vous que j’ai vécu aussi longtemps ?

- On doit en tuer combien ? demanda Mkoll. Pour avoir le prix du sang je veux dire ?
Esrah sourit.
- Tous, soule.

Il y eut un long silence que ne brisa que le gémissement lugubre du vent.
Mkoll ressentit soudain une tristesse immense : pour le partisan, pour Gaunt, pour lui-même. C’était ainsi que tout allait finir ; et quelle piètre, sanglante fin se serait. Loyauté et dévotion, devoir et amour, tous déformés et défigurés au point d’en être souillés, méconnaissables.

- On pourrait… commença-t-il.
- On continue le combat avec ce qu’on a, le coupa Rawne. On continue avec tout ce qui nous reste, puis avec nos poings et nos lames. On tue tous ceux qu’on peut tuer, et on tient cette putain de forteresse jusqu’à ce qu’on en crève !
- C’est à peu près ce que j’allais suggérer, opina Kolea.
- Faites passer le mot, Gol, reprit Rawne en saisissant son fusil laser. Faites passer le mot putain. Assurez-vous que tout le monde saisit. Pas de quartier, pas de retraite, pas de reddition.
Un ultime combat.

Ils n’ont pas été invités, mais envoyés. Ils flairent la chaleur de ces âmes perdues de cette maison du bout du monde et fondent sur elle, comme des créatures ailées revenant au colombier. Ils ont la poussière sur les murs bruns satinés, la pulsation des lumières, les grattements et les crissements de ce qui est enfoui sous la terre. Ils parlent avec la voix de vieux amis. Ils sont la voie des morts. Ils sont l’heure la plus sombre de la nuit, les atomes les plus froids de l’espace, le gémissement du vent. Ils sont une musique qu’on entend à peine. Ils sont des crânes secs dans une vallée poussiéreuse. Les fantômes se rapprochent. Seule la mort leur permet se mouvoir si librement. Seule la présence et l’heure de la mort leur autorisent cette proximité.
Ils le sentent : la fin est proche. La fin d’Hinzerhaus et de tous ses occupants.

Beuglant comme des ombres sauvages libérées des tréfonds du Warp, les hommes du Pacte de Sang se déversèrent dans le corps de garde. L’écoutille n’avait été que partiellement disloquée et ils se ruèrent autour d’elle et par-dessus sa masse en grouillant, songea Hark, comme des rats, comme une marée de vermine d’une conduite dans la soute d’un convoyeur, recouvrant ainsi qu’une vague le moindre obstacle dressé sur sa route. Des barbares en rouge, leur uniforme crasseux orné de chapelets de phalanges et de dents humaines, jaillirent de l’entrée, mugissant à travers les bouches figurées de leurs masques de fer, le regard enfiévré par le soif de meurtre. Certains faisaient feu, d’autres agitaient des haches de tranchées et de gourdins. Leur puanteur et le tumulte de leur charge étaient épouvantables.

- Merci beaucoup, lança-t-il à l’épée énergétique posée sur le bureau, comme s’il s’agissait de Gaunt. Merci beaucoup de me laisser tout ce merdier à gérer.
Rawne était incapable d’entrevoir une issue heureuse à leur situation. Un autre assaut comme celui qu’il venait d’essuyer, et c’en serai fini. Gaunt lui avait transmis les instructions de Van Voytz. Occupez-les. Autrement dit : Mourez sur place.

Je me sens mou, avachi. J’arrête pas de faire des bourdes, et de sursauter dès qu’une ombre bouge. Je déteste ça. Je ne me fais plus confiance. Cet endroit me rend idiot, et les idiots meurent plus vite que les autres.

Neskon joue du lance-flammes. Les mecs comme lui sont tous des tarés, tu le sais.

Les dunes devant le corps de garde étaient jonchées de cadavres. Selon une estimation rapide, cinq sur six appartenaient aux assaillants. Hark les examina, reconnut quelques vieux camarades parmi les morts. Il n’aurait su dire ce qui était le pire : voir le corps d’un homme dont on sait le prénom, ou voir un corps si horriblement mutilé qu’il en est anonyme.