- Permettez-moi un instant de délectation nostalgique. Cela fait si longtemps. J’avais oublié le parfum de cet endroit.
Nayl eut un instant d’hésitation. Quel que soit le parfum dont voulait parler la commandante, ce n’était pas quelque chose de perceptible pour lui. Selon son opinion, le Roc de Banner sentait surtout le prométhéum, la poussière, les fuites d’ozone des antiques écrans de protection, les épices-musc et les parfums, le tout mêlé à un relent général assez méphitique d’air moite, recraché quelques millions de fois de trop par les recycleurs.
- J’ai un peu de mal à percevoir les charmes de cet endroit.
L’immensité était terrifiante. Il avait pris l’habitude de regarder les planètes de haut, loin en orbite autour d’elles. Mais à présent, devant cet objet céleste sur lequel il s’apprêtait à prendre pied (et qui, pourtant, n’était pas bien gros), au milieu de cette multitude de frégates, de long-courriers et de croiseurs rapides, tous amarrés contre cette planète comme des petits qui tètent leur mère, avec l’Hinterlight comme point de référence, Nayl se sentait soudainement sidéré. Son esprit vacillait devant la taille écrasante de ce monde et, par extension, de tous les autres mondes et de l’Imperium lui-même.
En enfin, naturellement, devant la petitesse de son insignifiante personne.
- C’est toujours comme ça ?
- Quoi donc ?
- Le travail. Votre travail. En tant qu’agent du Trône. Je m’imaginais quelque chose d’un peu plus palpitant. Le genre cape et épées.
Parfois, j’ai l’impression que l’ennui est un ennemi bien plus dangereux pour nous que l’hérésie.
- J’avais un plan.
- Ben voyons.
- C’est vrai !
- Comme par exemple chercher des noises à ce Gorgi jusqu’à ce qu’il te mette une balle dans la tête ?
- C’était un début. J’ai improvisé.
- Et vous, qu’est-ce que vous allez faire ?
- Avec Kara, on va monter et appliquer le plan d’origine.
- Les tuer tous ? demanda Kara.
- Les tuer tous. Acquiesça Nayl.
Une allégorie gagne toujours contre une métaphore. A chaque fois. Haut la main.
Petropolis avait débordé du terrain sur lequel elle avait été construite à l'origine. Elle s'était étalée comme une gigantesque paire de fesses qui se répand sur un tabouret de bar.