Sa main se pose sur mon épaule, qu’il serre fort, au point que je gémis de douleur. C’est la première fois qu’il se montre brutal avec moi, sûrement parce que je ne lui ai jamais opposé la moindre résistance. Je n’étais qu’une poupée de chiffon, un pantin qu’il pouvait manipuler à sa guise.
Il m’attrape par les hanches et m’amène au-dessus de lui, nos visages face à face. Je me sens forte entre ses bras, je me sens comprise et écoutée. Il ne m’impose rien. Au contraire, il m’offre tout, même la puissance de cette première étreinte.
J’ai utilisé mes grandes mains toute la journée, sans pour autant qu’elles ne servent à écraser la trachée d’un type ou à lui rompre les os. Je vais peut-être réussir à m’en sortir, finalement.
Je ne veux pas me lier avec qui que ce soit, parce que ça signifierait forcément parler de moi, et ça, je ne peux pas.
— Prends la voiture de Faith. Elle ne s’en sert quasiment pas, Marco l’emmène toujours au travail.
— C’est gentil, mais je ne peux pas…
— Oh, je t’en prie, arrête. Je t’assure que ça ne la dérangera pas, au contraire. Au moins, tu feras tourner un peu le moteur, insiste-t-il en refermant mes doigts sur les clés.
— Non, Frérot, je veux dire que je ne peux VRAIMENT pas monter dans cette caisse. Une AMC Pacer, Cabe ! T’as vu la taille de ce machin ? Si je m’installe au volant, je ne pourrai plus jamais en sortir !
Mon frère explose de rire, imaginant sans doute la scène comme s’il y était. Cette voiture est une espèce d’ovni, probablement la plus petite voiture américaine qui existe. Pour un gabarit tel que celui de ma belle-sœur, c’est parfait. Mais pour mes deux mètres cinq et mes cent kilos de muscles, ça risque de ne pas fonctionner.
Et encore, t’oublies de leur parler de la couleur jaune canari…