J’ai compris que celui qui embêtait les autres s’embêtait lui-même.
Ce qui le captivait n'était pas la logique délirante de la Sainte-trinité, à laquelle il ne comprenait rien. Mais la dimension poétique de la nouvelle religion le touchait au plus profond de lui-même.
La vie d'un homme de sa naissance à sa mort était une succession de rites de transition qui le rapprochaient de plus en plus de ses ancêtres.
C'est un plaisir de voir de nos jours, alors que la jeune génération se croit plus sage que les anciens, un homme qui fait les choses dans la grande tradition. Celui qui invite ses parents à un festin ne le fait pas pour leur éviter de mourir de faim. Ils ont tous à manger chez eux. Quand nous nous réunissons sur la place du village éclairée par la lune, ce n’est pas pour la lune. Chacun peut la voir de chez lui. Nous nous réunissons parce qu’il est bon pour des parents de le faire. Vous me demandez peut-être pourquoi je dis tout ça. Je vous répondrai que c’est parce que j’ai peur pour la jeune génération, pour vous autres.
Chez les Ibos, on tient en grande estime l'art de la conversation, et les proverbes sont l’huile de palme avec laquelle on accommode les mots. Okoye était un champion de la parole et il tourna longuement autour du sujet avant de l'aborder.
Le Blanc est très habile. Il est arrivé avec sa religion, tranquillement et paisiblement. On s’est amusé de toutes ses sottises et on lui a permis de rester. Maintenant il a conquis nos frères et notre clan ne peut plus rien faire. Il a posé un couteau sur les choses qui nous tenaient ensemble et on s’est écroulés.
(p. 189, Chapitre 20, Partie 3).
il avait été le premier homme d’Umuofia à recevoir le sacrement de la sainte communion, ou saint festin, comme on l’appelait en igbo. Croyant que le festin en question consistait à boire et à manger et qu’il était simplement plus saint que ceux qu’on faisait au village, Ogbuefi Ugonna avait, pour l’occasion, mis sa corne à boire dans son sac en peau de chèvre.
(p. 186, Chapitre 20, Partie 3).
Ne désespère pas, je sais que tu ne vas pas désespérer. Tu as un cœur viril et fier. Un cœur fier ne se laisse pas abattre quand tout s’effondre, car un tel échec ne l’atteint pas dans son orgueil. C’est beaucoup plus difficile et beaucoup plus douloureux quand on est seul à échouer.
(p. 32, Chapitre 3, Partie 1).
Quand la vache rumine le veau regarde sa bouche
Une magnifique découverte
L'histoire d'un homme puissant, Okonkwo confronté à l'effondrement de son monde face à la colonisation et la christianisation. Point d'angélisme précolonial, le monde qui s'effondre est un monde dur et violent. Mais le monde d'après n'est guère plus réjouissant.
On se ressent de tous les personnages, des femmes, des hommes, des enfants, des enfants conquis, des enfants relâchés, des jumeaux massacrés.
C'est une plongée dans une autre civilisation qui n'est guère idéale et qui comme toutes les autres contient son lot d'injustices. La colonisation est évidemment perçue comme déstabilisatrice de cette culture mais elle est également l'occasion pour certains éléments de cette communauté de s'en émanciper. Ce n'est pas tout blanc, ce n'est pas tout noir, c'est une fresque pleine de nuances.
Un livre court et dur mais qui étonnamment fait du bien.