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Critique de LaBiblidOnee


Hey mes lapins, ça vous dit d'aller farfaler dans la garenne ? Allez, suivez-moi quatre à quatre ! Entrer via ce livre incroyable dans Les garennes de Watership Down, édité par le fabuleux Monsieur Toussaint Louverture, c'est s'offrir une merveilleuse purge herbivore durant les fêtes. C'est s'installer dans un bon terrier douillet, comme seules savent en construire les hases, et savourer son hiver au chaud avec une fourrure aux longues oreilles et au nez qui frétille. Je craignais pourtant que ce ne soit purement enfantin ; Je me demandais aussi si ce serait humoristique comme les lapins crétins, ou encore prétexte à un message adulte comme les fables de Lafontaine ou La Ferme Des Animaux de Georges Orwell… Au départ, la tentation fut grande de rechercher le sens caché de ce texte narrant les aventures d'un groupe de lapins : On y voit une caricature de notre hiérarchie sociale dans les villes, on y repère une histoire de laissés pour compte contraints de zoner de villes en villes - ou de garenne en garenne - pour survivre ; On voit même poindre un exode tout ce qu'il y a de plus biblique, avec un lapin prophète ressemblant au professeur Trelawney dans Harry Potter, et des lapins qui apprennent à marcher sur l'eau, ou s'entassent sur des radeaux de fortune pour traverser des ruisseaux - ça vous rappelle des sujets d'actualité ? C'est normal. Comme tous les bons auteurs, Richard Adam enrichit son univers de références qui l'entourent. Mais sa vraie richesse vient de ce qu'il n'en copie aucune totalement, il en fait une oeuvre unique et bien à lui, au croisement de tout cela et bien plus encore.


Rapidement, on arrête de chercher où va ce récit pour se prendre entièrement pour des lapins, nous racontant des trucs bizarres dans les galeries, bondissant dans les champs, pilant et nous dressant en chandelier, attentif au moindre courant d'air qui charrie des infos sur les dangers alentours, reconnaissant nos semblables en bonne santé rien qu'à leur odeur, chapardant des laitues, ou encore dévalant les pentes cul par dessus tête, comme tout bon lapin qui se respecte, à cause du poids de notre arrière-train bien rebondi. En peu de temps, nous devons fuir notre garenne natale, nous inviter dans une autre, la fuir encore, fonder la nôtre, aller voler des hases aux voisins, risquer nos vies auprès des vilous, implorer Krik de nous venir en aide, libérer des clapiers, et bien d'autres aventures réjouissantes et effrayantes comme conquérir des territoires, lutter contre des dictatures, les épidémies, lever des armées et mener des batailles…! Mais toujours dans une philosophie de survie respectueuse. le génie de l'auteur est d'abord de nous immerger avec un réalisme saisissant dans la vie des lapins et leurs attitudes animales, ensuite d'y mêler une mythologie et un langage qu'il leur invente pour enrober l'histoire d'un onirisme pétillant ; enfin de les personnifier pour les rendre attachants (Mon préféré est Manitou, et vous ?). Ajoutez à cela de courtes mais superbes descriptions des collines du Hampshire, et vous ne voudrez plus redevenir humain…


A certains moments la liberté nous étreint ; A d'autres, c'est l'inquiétude d'être en permanence une proie et la certitude que, si les qualités individuelles de chacun servent le groupe, c'est l'entraide qui nous rend plus fort. Et puis d'étranges sensations nous envahissent : « Tiens, tu as remarqué ça toi aussi ? Coucou ne répond jamais à une question commençant par ‘où'. Framboise non-plus. » Alors on se prend à vouloir résoudre les mystères de la vie qui nous entoure, dont nous ne connaissons pas encore toutes les folies : celles des hommes, de nos semblables… de Krik ? « Je sais avec certitude que ces lieux sont hantés par quelque chose de maléfique, d'anormal. » Les moments « conte mystique » de l'histoire m'ont agréablement rappelé mon passage dans La Maison Dans Laquelle : Est-il vraiment en train de se passer des choses étranges (je veux dire plus étrange que d'admettre qu'on est dans la peau de lapins qui parlent) ? Ou tout cela va-t-il se décanter avec une explication rationnelle (rationnelle pour des lapins qui parlent^^) ? Ces petits mystères et aventures, le fait que l'on s'attache aux personnages - pardon, aux lapins - et la curiosité de tout lecteur entrant dans un tel univers inconnu, tout cela soutient notre attention et nous rend addict.


« Un proverbe lapin affirme : ‘Dans la Garenne courent plus d'histoires que de couloirs.' Pas plus qu'un Irlandais ne saurait refuser de se battre, un lapin ne refusera de raconter une histoire. »


Chers amis, installez-vous donc en rond de lapin et laissez Richard Adams, qui a certainement été lapin dans une autre vie, vous conter celle-ci de sa plume ensorceleuse et magique… Mais si d'un coup vous m'entendez taper frénétiquement du pied pour vous avertir d'un danger : Egayez-vous !!
Qu'on veuille y voir ou pas une parabole de l'humanité sur fond d'aventures incroyables, c'est un joyau de 1972 dont vous me direz des nouvelles encore aujourd'hui.

PS : Je viens d'apprendre que Richard Adams, âgé de 96 ans, est décédé la veille de Noël. Je profite de cette coïncidence pour lui rendre hommage, et vous souhaiter à tous de TRÈS JOYEUSES FÊTES DE FIN D'ANNÉE !
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