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Critique de Warrenbismuth



Vadim Maslennikov est un lycéen moscovite sans le sou de 16 ans, honteux de sa mère qu'il juge trop vieille, trop laide et trop déguenillée en cette année 1916. Dans sa classe trois élèves surpassent les autres de par leur intelligence et leur acuité. Parmi eux Bourkevitz, dit Yag, qui va rapidement devenir son ami. En 1917 la Russie entre en guerre contre l'Allemagne. On ne saura rien de cette guerre, sinon que le narrateur Vadim la réprouve. le même Vadim, attiré physiquement par Yag, n'ira pourtant pas plus loin. Il est possible qu'il soit impressionné par son ami marqué par une aversion pour la haine : « L'antisémitisme n'est pas du tout effrayant, il est seulement répugnant, pitoyable et bête : répugnant parce qu'il est dirigé contre le sang et non contre la personne, pitoyable parce qu'il est envieux alors qu'il voudrait être méprisant, bête parce qu'il consolide davantage ce qu'il a pour but de détruire. Les juifs ne seront plus juifs seulement quand cela sera devenu déshonorant sur le plan moral ». Au fil des mois le mal-être s'installe chez Vadim jusqu'à sa rencontre avec Sonia, jeune femme mariée qui ne va pas tarder à le quitter, non sans lui avoir envoyé une longue lettre violente et en tous points bouleversante sur la volonté pour les femmes de ne pas avoir de boulets aux pieds, fussent-ils personnifiés par un amant. Cette lettre trace les grands traits du féminisme en développement à l'époque. Lorsque Vadim croise des prostituées, il hésite avant de renoncer : « Je n'allais pas chez les prostituées parce que la femme, s'étant fait payer d'avance, se donnait ainsi par obligation – elle le faisait sous la contrainte, peut-être même (ainsi l'imaginais-je) en serrant les dents d'impatience, ne désirant qu'une chose – que je fasse mon affaire le plus vite possible et que je m'en aille, et que du fait de cette impatience hostile j'avais auprès de moi, au lit, non pas un complice ardent, mais un observateur ennuyé ». La descente aux enfers commence pour le narrateur qui ne trouve pas sa place dans la société russe. Lors d'une fête entre amis, on lui propose une « trace » de cocaïne… Ce roman est singulier à plus d'un titre : c'est le seul écrit par un auteur dont on ne sait rien, sinon qu'il s'appelle sans doute Mark LEVI (mais qui n'a rien à voir avec son homonyme francophone, bellâtre écrivaillon séduisant les mégères quarantenaires par ses histoires de bourgeoises en mal de sensations coûteuses), qu'il est né en 1898 et mort en 1973. Il a écrit une nouvelle « Un sale peuple », et ce serait tout ! Ce « Roman avec cocaïne » fut édité pour la première fois en 1934, mais il lui faudra près de 50 ans, en 1983 très exactement, pour être enfin traduit en français. Aujourd'hui il se trouve assez facilement. Pendant un temps ce livre sera suspecté d'être l'oeuvre de Vladimir NABOKOV, mais bientôt cette thèse sera démentie. Mais lorsque tout est dit ou presque dans un roman, pourquoi, me direz-vous, est-il utile d'en écrire d'autres ? Observons certaines carrières où des dizaines de livres d'un même auteur ramènent inlassablement au même thème. Mieux, pensons à ces auteurs qui n'ont jamais rien écrit de bon après des décennies de tentatives (non, ne comptez pas sur moi pour vous fournir des noms, leurs « oeuvres » encombrent bien des rayonnages). Car ce livre unique amorce de nombreux thèmes : le féminisme (nous l'avons vu), l'antimilitarisme, l'antisémitisme, l'homosexualité, la religion. Mieux, il se transforme à certains moments en véritable essai qui sonde l'âme humaine, se fait psychologique et même psychiatrique en toute fin de volume. Bien que ne traitant que du parcours d'un seul individu, il pourrait sans nul doute être qualifié de dystopique, d'autant que dans l'ombre c'est bien le dépérissement de la société qui est pointé du doigt. Il est à noter que l'ambiance générale n'est pas celle des romans russes classiques, même si bien sûr quelques scènes sont foncièrement et définitivement russes. Ce « Roman avec cocaïne » est un livre flirtant avec le chef d'oeuvre, de par sa diversité, ses extraits sociaux engagés, contre le mépris, l'intolérance. Il me paraît difficile de ne pas le rapprocher du roman de Robert MUSIL « Les désarrois de l'élève Törless » écrit en 1906 tant le traitement des thèmes est quelquefois similaire et l'ambiance globale très approchante.
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