Avec Rainer J. Hanshe, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico, Pierre Senges, Martin Rueff & Claude Mouchard
À l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition new-yorkaise Contra Mundum Press, la revue Po&sie accueille Rainer Hanshe, directeur de Contra Mundum, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico & Pierre Senges. Rainer Hanshe et son équipe publient la revue Hyperion : on the Future of Aesthetics et, avec une imagination et une précision éditoriales exceptionnelles, des volumes écrits en anglais ou traduits en anglais (souvent en édition bilingue) de diverses langues, dont le français.
Parmi les auteurs publiés : Ghérasim Luca, Miklos Szentkuthy, Fernando Pessoa, L. A. Blanqui, Robert Kelly, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Robert Musil, Lorand Gaspar, Jean-Jacques Rousseau, Ahmad Shamlu, Jean-Luc Godard, Otto Dix, Pierre Senges, Charles Baudelaire, Joseph Kessel, Adonis et Pierre Joris, Le Marquis de Sade, Paul Celan, Marguerite Duras, Hans Henny Jahnn.
Sera en particulier abordée par lectures et interrogations l'oeuvre extraordinaire (et multilingue) de l'italien (poète, artiste visuel, critique, traducteur, « bibliste ») Emilio Villa (1914 2003).
À lire La revue Hyperion : on the Future of Aesthetics, Contra Mundum Press.
La revue Po&sie, éditions Belin.
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Si vous comptez noyer vos problèmes dans l'alcool, gardez à l'esprit que certains problèmes savent parfaitement nager.
Notre époque ruisselle suffisamment d'énergie. On ne veut plus voir que des actes, et nulle pensée. Cette terrible énergie provient de ce que l'on n'a plus rien à faire. Intérieurement, je veux dire. Mais en fin de compte, même extérieurement, l'homme ne fait que répéter toute sa vie un seul et même acte : il entre dans une profession, puis y progresse. […] Il est si simple d'avoir la force d'agir, et si malaisé de trouver un sens à l'action ! Très peu de gens, aujourd'hui, le comprennent. C'est pourquoi les hommes d'action ressemblent à des joueurs de quilles qui emprunteraient des poses à la Napoléon pour renverser neuf machins de bois ! Je ne serais même pas surpris qu'ils finissent par en venir violemment aux mains, simplement pour voir passer par-dessus leur tête ce mystère incompréhensible : que toutes les actions du monde ne suffisent jamais !
Chapitre 10 : Suite de l'excursion à la Schwedenschanze. La morale du deuxième pas.
En tant que personne supra-personnelle, l'État adopte carrément le principe que l'on peut piller, massacrer et tromper s'il en résulte puissance, gloire et civilisation.
L'HOMME SANS QUALITÉS, tome 2 : chapitre 10.
Il est sûrement peu de gens qui sachent ce qu'est le repentir mais tous peuvent dire où il doit régner.
L'HOMME SANS QUALITÉS, tome 2 : chapitre 11.
Qu'importent en fin de compte les événements en tant que tels ! Ce qui compte, c'est le système de représentations à travers lequel on les observe, et le système personnel dans lequel on les insère.
Chapitre 2 : confiance.
Que de soleils se sont couchés depuis, et pourtant je n'ai pas oublié celui-là ! [...] Que tout cela était beau ! Maintenant que tu es mort, et à ma joie je suis encore debout, bien qu'au pied de ton cercueil ! Tels sont, comme chacun sait , les sentiments des gens âgés à la mort de leurs contemporains. Quand survient la vieillesse glacée, la poésie s'épanouit. Beaucoup d'hommes qui n'avaient plus écrit de poèmes depuis leur dix-septième année en composent soudain un dans leur soixante-dix-septième, en rédigeant leur testament.
Chapitre 4 : " Ich hatt' einen Kameraden. "
Quiconque prétend réaliser de grandes idées politiques aujourd'hui doit être un peu spéculateur, ou un peu criminel !
L'HOMME SANS QUALITÉS (tome 2), Chapitre 16 : Où l'on revoit l'époux diplomatique de Diotime.
Nombreux sont les hommes qui préfèrent aux pensées difficiles les pensées dépourvues de sens.
Chapitre 14 : Du nouveau chez Walter et Clarisse. Un montreur et son public.
Or, un beau jour, Ulrich renonça même à vouloir être un espoir. Alors déjà, l'époque avait commencé où l'on se mettait à parler des génies du football et de la boxe; toutefois, les proportions demeuraient raisonnables: pour une dizaine, au moins, d'inventeurs, écrivains et ténors de génie apparus dans les colonnes de journaux, on ne trouvait encore, tout au plus, qu'un seul demi-centre génial, un seul grand tacticien du tennis. L'esprit nouveau n'avait pas encore pris toute son assurance. Mais c'est précisément à cette époque-là qu'Ulrich put lire tout à coup quelque part (et ce fut comme un coup de vent flétrissant un été trop précoce) ces mots: "un cheval de course génial". Ils se trouvaient dans le compte rendu d'une sensationnelle victoire aux courses, et son auteur n'avait peut-être même pas eu conscience de la grandeur de l'idée que l'esprit du temps lui avait glissée sous la plume. (...)
Si l'on devait analyser un grand esprit et un champion national de boxe du point de vue psychotechnique, il est probable que leur astuce, leur courage, leur précision, leur puissance combinatoire comme la rapidité de leurs réactions sur le terrain qui leur importe, seraient en effet les mêmes; bien plus, il est à prévoir que les vertus et les capacités qui font leur succès à chacun ne les distingueraient pas beaucoup de tel célèbre steeple-chaser; on ne doit pas sous-estimer les qualités considérables qu'il faut mettre en jeu pour sauter une haie. Puis, un cheval et un champion de boxe ont encore cet autre avantage sur un grand esprit, que leurs exploits et leur importance peuvent se mesurer sans contestation possible et que le meilleur d'entre eux est véritablement reconnu comme tel; ainsi donc, le sport et l'objectivité ont pu évincer à bon droit les idées démodées qu'on se faisait jusqu'à eux du génie et de la grandeur humaine.
(Chapitre 13. Un cheval de course génial confirme en Ulrich le sentiment d'être un homme sans qualités.)
Il n'y a que les fous, les dérangés, les gens à idées fixes qui puissent persévérer longtemps dans le feu de l'âme en extase ; l'homme sain doit se contenter d'expliquer que la vie, sans une parcelle de ce feu mystérieux, ne lui paraîtrait pas digne d'être vécue.