C’est salutaire, la peur, mais pas trop non plus. Si on se replie sur soi au point d’en être pétrifié, ça ne sert plus à rien. Regarde un peu autour de toi. Ne fais pas de bêtises.
J’aurais l’impression de trahir ma vie d’avant et de me trahir, moi. Je sais où c’est, chez moi, et ça ne sera jamais ici. Le gouvernement s’est donné le droit de nous voler nos vies, mais il ne peut pas s’approprier nos pensées.
Pourtant je sais que ni les pensées ni les prières n’ont pu sauver tous ceux et celles qui se sont fait tuer au cours de ces nombreuses fusillades. Elles ne vont pas nous aider non plus. Les prières ont leurs limites. Je me rappelle autre chose que disait souvent ma nanni : « Il est important de prier, mais tu ne dois pas seulement prier pour obtenir ce que tu veux. Tu dois agir. »
Les enfants pensent toujours que leurs parents sont invincibles et omniscients, puis en grandissant ils se rendent compte qu’ils ne sont en fait que des êtres humains imparfaits, qui font de leur mieux pour se frayer un chemin dans le monde.
La nature se moque-t-elle de nous ? Elle sait se montrer destructrice, certes, mais son pouvoir dévastateur est également amoral. Quand des gens meurent au cours d’une tempête, ils font partie des dégâts au même titre que les lampadaires, les voitures ou les maisons. Ils s’ajoutent aux conséquences accidentelles d’un vent violent, d’un courant ou d’une vague.
Chaque bout de papier est un cadeau, une surprise tangible qui ne prend pas de place dans la mémoire de mon téléphone. Et voilà que je m’apprête à les abandonner pour toujours ? à les laisser ici, où n’importe qui pourra les lire ? Que va-t-il advenir de notre maison ? Va-t-elle être fouillée de fond en comble ? Est-ce toujours chez nous ?
Les gens sont prêts à renoncer à leur liberté en échange d’une impression de sécurité, même illusoire. (Mon père secoue la tête.) « Il n’y a jamais eu de démocratie qui ne se soit pas suicidée. »
L’Amérique avant tout ; un paquet d’euphémismes et de superlatifs mal placés ; une politique de la trouille prétendant qu’il faut fermer les frontières, réduire l’immigration familiale et bouter les sans-papiers. Ah, et il promet de rendre à la nation une grandeur fantasmée, aussi.
Il est hors de question que nous reniions ce que nous sommes, que nous fassions semblant de ne pas être musulmans. Il y a des musulmans sur le sol américain depuis que les premiers esclaves ont été amenés sur ce continent. Tu imagines ce qu’ils ont dû traverser pour préserver notre religion ? ce qu’ils ont dû subir ?
Je ne suis pas certaine que papa me croie, mais il accepte mon geste comme un signe d’obéissance. On fait semblant. On se berce de mensonges parce que la réalité ne se laisse plus contenir. Papa m’adresse un sourire sans joie et va rejoindre ma mère.