Récits du temps de Charles V, tome 1 : L'Archiprêtre et la cité des Tours

- Libérez-le répéta-t-elle d'un ton cinglant. La ville a assez d'ennuis pour ne pas s'aliéner Florence ! Et rendez lui ses armes. Je l’emmène chez moi, j'ai à lui parler au sujet de ces lettres. En passant, nous nous arrêterons voir le prieur du chapitre. Il nous faut nous excuser.

La neige est une tricheuse, elle couvre les plaies de la campagne comme un immense drap et cache honteusement les dépouilles, songeait sombrement Pietro da Sangallo. Il devinait ce qui se dissimulait sous les monticules blancs qui dépassaient ici ou là le long du chemin enneigé : des fermes brûlées et des corps massacrés et torturés qui n’auraient jamais de sépulture.

Il est vrai que la réputation de Jeanne, leur reine, était exécrable. Elle avait fui Naples après avoir tué son premier époux en lui arrachant les génitoires. Elle n’avait pu obtenir une dispense du pape afin de pouvoir épouser son cousin Tarente qu’en se prostituant avec le souverain pontife. Depuis ses amants étaient innombrables, elle avait dilapidé sa fortune et vendu la ville d’Avignon à son amant Clément VI pour quatre-vingt mille florins.

Dix ans auparavant, la peste noire avait frappé la Provence comme toute l’Europe. Or la peste n’était pas venue seule : quatre années de pluies et d’inondations avaient ruiné les récoltes et multiplié les famines.

Rester libre de lâcher les Compagnies Franches sur la Provence. Après leur passage, le comté sera ruiné et Jeanne humiliée. À coup sûr les Provençaux me demanderont assistance et je leur rappellerai que je suis leur suzerain. Le royaume de Naples tombera ensuite entre mes mains comme un fruit mûr. Un homme est prêt à s’attaquer à la capitale comtale et à la saisir. S’il y parvient, la ville sera un gage formidable pour la suite.

La neige est une tricheuse, elle couvre les plaies de la campagne .

« l’Archiprêtre débauche les femmes dans les contrées qu’il traverse, il corrompt les vierges et violente les veuves, il porte ses mains sacrilèges sur les religieuses… »