Premier roman de
Yanis Al-Taïr, je le découvre dans le cadre d'une opération Mass critique.
Nous suivons Alejandro, jeune archéologue parisien multipliant les rencontres féminines, qui apprend au début du roman que sa soeur Laura, est atteinte d'une leucémie myéloïde aigue. Ce coup de massue, entraîne des remises en questions et des réflexions sur de nombreux sujets de société actuels.
On sent que l'auteur est très cultivé, il écrit plutôt bien, tout est documenté, et on relève de nombreuses références littéraires, scientifiques, géopolitiques et historiques. J'ai apprécié certains passages en particuliers, comme les réflexions musicales avec le personnages d'Azadeh, et surtout sur la fin du livre la comparaison de l'interprétation scientifique versus religieuse du jardin d'Eden et de l'apocalypse dont j'ai trouvé le point de vue intéressant.
Mais malgré toutes ces petites références et idées intéressantes, j'ai regretté que rien de soit vraiment approfondi. de nombreux sujets très variés sont abordés: la maladie, les médecines alternatives, printemps arabe, immigration, choix de vie (famille versus carrière), révolution iranienne, système de santé français.. et j'en passe. Mais tout est survolé, on relève quelques clichés parfois teintés d'ironie, mais je suis restée sur ma faim.
Deuxième point, les dialogues manquent franchement de réalisme. Par exemple l'accent du personnage de Sacha transcrit par la répétition toutes les 4 lignes de "My friend" est agaçante. J'ai découvert
Damasio le mois dernier, et linguistiquement la comparaison est rude. de même, les lettres d'Aemilia, document archéologique supposé être le journal intime d'une jeune fille qui aurait vécu en 519 n'est pas du tout crédible. L'histoire est survolée très superficiellement et le langage de la jeune fille pourrait être celui d'un influenceuse en 2024 qui décrirait son profil sur un site de rencontre: "Je suis mate de peau, plus grande que la moyenne, et mes cheveux sont longs et sombres comme le jais… toujours d'humeur égale mais de nature timide, je suis mariée depuis un an".
Mais ce qui m'a le plus gêné, dans ce livre c'est le rapport aux femmes:
- Excepté sa mère et sa soeur, toutes les femmes sont décrites avant tout par leur physique et leur rapport aux hommes et au sexe (ce qui n'est pas du tout le cas des hommes).
- Pourquoi faut-il que Mathilde se débatte avant de faire l'amour pour la première fois avec Alejandro?? Pas très 2024...
- Et pourquoi l'externe du service d'oncologie (qui devient l'interne quelques pages plus loin) doit elle porter des faux ongles??? En pratique, vraiment ça n'existe pas dans les services de soins hospitaliers.
J'avoue qu'en additionnant ces détails, avec les multiples préjugés du personnage sur les "bobos", le bio, ainsi que son diagnostic très sûr de l'homosexualité de Sébastien après une simple poigné de main ne m'ont pas rendu Alejandro très sympathique malgré le drame qui le touche.
Mais peut être que ce ne serait effectivement pas mon meilleur ami dans la vrai vie non plus et que je ne suis finalement pas la cible.
Tout cela n'est que mon humble ressenti et n'a évidemment pas valeur de vérité absolue.
PS: vrai question: y a t il vraiment des nuits polaires à l'Est du Lac Baïkal? J'avais l'impression que ce n'était pas la bonne latitude mais j'ai du mal à trouver l'information…