Les inconnues de l'île d'Orléans

— Qui est cet homme ? répliqua-t-il d'un air bourru en désignant Gauvin du doigt, sans même répondre à la question que sa sœur lui avait posée.
Anne-Françoise fulmina davantage. Son frère se comportait comme le dernier des crétins et faisait preuve d'un manque embarrassant de savoir-vivre.
— Il s'agit de l'un de nos voisins venus nous prêter main-forte pendant votre absence, à père et à toi, dit-elle avec froideur. Sans son aide, ainsi que celle de sa famille et de ses amis, nous n'aurions probablement rien pour passer l'hiver, poursuivit-elle d'un ton accusateur, ni nourriture ni bois pour nous chauffer. La moindre des choses serait que tu te montres poli avec lui, termina-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.
Albéric perçut la réprobation évidente de sa sœur avec une acuité dérangeante. Il était vrai qu'il avait été parti durant une longue période, sans songer à ce qu'il advenait des siens...

-L’île d’Orléans est riche en terres fertiles, et c’est un endroit parfait pour s’établir, continua Antoine. La pointe que vous apercevez est vierge de toute habitation, mais Saint-Laurent, Saint-Jean et Saint-Pierre sont trois villages où il fait bon vivre…

Cet homme l’intriguait et la perturbait tout à la fois, et elle ne savait pas de quelle façon composer avec cela. À l’inverse de Ludovic Clifford, Gauvin se montrait prévenant et sensible, une combinaison déstabilisante.