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Critique de Fandol


Avec Je me souviens de Falloujah, Feurat Alani m'a embarqué pour un passionnant voyage mémoriel, sans négliger pièges, douleurs, malheurs, souffrances et moments de douceur, tout cela au travers de la vie de Rami, son père.
Ce fameux père, le 2 août 2019, a justement perdu la mémoire. Il appelle son fils « camarade » et lui propose une clope alors que celui-ci n'a jamais fumé. Ce père amnésique se meurt d'un cancer du poumon dans cette chambre 219 où l'auteur me ramène régulièrement. C'est là que cet homme avoue enfin à son fils : « - Je me souviens de Falloujah. » et que la quête de ce fils commence.
Petit à petit, la vie de Rami Ahmed ressurgit grâce aux recherches de son fils, à ses rencontres mais aussi grâce aux souvenirs éclairs de ce père qui a vécu et subi de terribles souffrances. En Irak d'où il a fui en 1972, il a laissé un passé riche de luttes, de brimades, de tortures pour le gosse qu'il fut, à Falloujah, au bord de l'Euphrate puis à Bagdad. C'est d'ailleurs en souvenir de ce fleuve, qu'il a appelé son fils Euphrate.
Dans ce premier roman parfaitement maîtrisé, Feurat Alani passe d'une époque à l'autre, revient en 2019, repart en 1952 en Irak, saute en 1988 à Paris, revient en 1953 puis en 1989…
Grand reporter, auteur de plusieurs documentaires, Feurat Alani a reçu le Prix Albert Londres en 2019 pour son livre le Parfum d'Irak (éditions Nova). S'il romance dans Je me souviens de Falloujah, il prouve sa parfaite connaissance du pays d'origine de ses parents.
Au travers du passé de son père devenu amnésique, il me permet de bien ressentir ce qu'ont vécu les Irakiens depuis le renversement de la monarchie par le général Qassem, en 1958. L'embellie apportée par la révolution dure peu. On espionne, on dénonce, on arrête, on torture, on exécute, tout cela sur fond de vengeances, de règlements de compte, ce que Rami et son grand ami, Hatem ont vécu au quotidien.
Le jeune Rami a beaucoup souffert de la mort de sa mère, Mouhja, alors qu'il n'avait que huit ans car son père s'est remarié avec Samiya dès que l'année de deuil réglementaire a été écoulée. Cette veuve, mère de trois enfants, était hautaine, sévère. Elle ignorait Rami et ne favorisait que ses propres gosses. Ce bouleversement dans la vie familiale de Rami aura des conséquences gravissimes tout au long de sa vie.
Une valise jamais ouverte, plusieurs voyages en Irak, à Bagdad mais aussi à Falloujah permettent à l'auteur de rassembler petit à petit les pièces d'un puzzle d'où émerge un impressionnant amour filial qui m'a ému de plus en plus au fil de ma lecture.
Dans Je me souviens de Falloujah, Feurat Alani, prouve une fois de plus qu'un roman peut apprendre davantage sur l'histoire d'un pays que le plus sérieux des documentaires. Surtout, en faisant appel à l'émotion, en distillant des instantanés de la vie d'un homme qui s'est battu pour un idéal, l'auteur donne envie d'en savoir plus.
Après la tragique expérience du parti Baas menée à son apogée par la dictature de Saddam Hussein, l'Irak est toujours un pays déchiré par les factions qui n'hésitent pas à éliminer ceux qui sont susceptibles de gêner. de plus, les interventions coloniales et militaires de la Grande-Bretagne et des États-Unis ont laissé des traces. Je n'oublie pas les Kurdes et les exactions menées par les djihadistes.
Enfin, je tiens à remercier très sincèrement Babelio et les éditions JC Lattès pour cette lecture qui m'a emmené sur les rives de l'Euphrate, un fleuve dans lequel les jeunes aiment plonger pour enfouir des pastèques dans la vase, au frais.
J'ajoute un clin d'oeil personnel à Feurat Alani pour ses références à l'Ardèche, département qu'il semble apprécier particulièrement, comme la Normandie d'ailleurs. Depuis la rive droite du Rhône, mon fleuve référence, pourquoi ne pas espérer qu'entre Tigre et Euphrate, berceau des civilisations, là où l'écriture est née, revienne un jour cette sagesse dont notre monde actuel semble manquer de plus en plus…

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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