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Critique de Pris


En 1973, Céleste Albaret a 82 ans. Pour la première fois, elle confie ses souvenirs à Georges Belmont. Elle avait toujours refusé les interviews, l'oeuvre de Proust se suffisant à elle-même pensait-elle. Mais une fois partie, qui d'autre resterait pour contredire tout ce qui a pu être écrit de faux sur cet homme qu'elle a énormément admiré et aimé - en tout bien tout honneur- ? "Mais aujourd'hui, avant de quitter à mon tour ce monde, l'idée qu'il puisse subsister un doute et un mensonge sur tout ce que j'ai vu et qui est la vérité, m'est devenue si intolérable que je voudrais qu'il soit dit, une fois pour toutes que les pages qui vont suivre, notamment, sont l'exacte véracité de ma mémoire, et que j'ai suffisamment réexaminé, contrôlé et revérifié les faits dans mon souvenir pour avoir la certitude de ma fidélité absolue à la réalité de ce qui fut. C'est un testament que j'écris ici, non pas un témoignage."
Rien ne prédestinait cette fille de meunier de Lozère à devenir la personne la plus proche de Marcel Proust pour ses huit dernières années, au moment où il a écrit le plus gros de son Oeuvre. Malgré tout ce qui les séparait, une complicité et une alchimie se sont mises en place, sans qu'aucun ne déroge à la sienne. Peu à peu, Céleste est devenue les jambes de Marcel, qui quittait rarement son lit, puis son ombre. Ce dévouement extraordinaire est difficile à concevoir de nos jours: comment une jeune femme, mariée depuis peu, en vient à vivre la nuit, à dormir peu, pour servir un malade qui ne vivait que de café au lait? Céleste ne l'explique pas. Elle le considérait comme un grand seigneur dont l'humanité l'avait profondément séduite. Même son époux qui était taxi à Paris jusqu'à la mort de l'écrivain a changé de métier lorsqu'elle est survenue: Proust était celui qui l'aidait à supporter ses autres clients. Ce témoignage nous raconte donc un homme avant de nous parler de l'écrivain: ce n'est pas avec du côté de chez Swann que Marcel Proust se faisait aimer des "petites gens".
Bien sûr, j'ai été ravie de voir les personnes qui ont inspiré les personnages-clés de la Recherche du point de vue de Céleste Albaret. Mais j'ai surtout été frappée de constater à quel point la poursuite de son Oeuvre a complètement modelé l'écrivain et les relations qu'il avait avec les autres : le jeune dandy dont on a l'image -et qui fait que Gide a rejeté son manuscrit sans même le lire- était déjà en train d'enquêter sur un monde dont il pressentait la fin. Son père, le professeur Adrien Proust, lui reprochait ses mondanités, ne comprenant pas cette frivolité. Pourtant, le récit de ses huit dernières années montre à quel point "le petit Marcel" était un homme acharné au travail. Jusqu'à en mourir.
Un livre à lire pour tous les amoureux de Proust.
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