Mais quand une personne meurt il faut bien qu'il se passe quelque chose. Comme les gens ne trouvent pas les mots, ils confient aux curés le soin d'articuler un charabia.
L'amour, voilà, tu mets un doigt dans l'engrenage et tu y laisses un bras
Elle repère sur une paupière un grain de beauté un peu bleuté. C'est un garçon à fixer droit dans les yeux, sans déborder.
Elle imagine les habitants de Varqueville pris par les pieds dans la route. Un premier prisonnier, un autre voulant le secourir à son tour figé et ainsi de suite jusquu dernier.
La vérité sur M. Henneaux, c𠆞st peut-être que les gens s𠆞mmerdent ici, s𠆞mmerdent à enterrer des peluches, à voler des gaufres, à insulter les filles. Ce n𠆞st pas des assassins qu’il faut se méfier, c𠆞st de l𠆞nnui.
-non, dit-il, une voix de foire. C𠆞st joli.
Juliette n𠆚vait jamais entendu un compliment qui ressemble à une histoire drôle. Comme on offrirait un bouquet de lierre, un ballotin de pruneaux.
-C’est la campagne, il répond, pas le Moyen Âge. Tout le monde a un portable. Un ordinateur aussi. On a même l’électricité ! dit il en rigolant.
Mais Juliette sait : la vérité, c'est que la mort se loge à l'intérieur des corps. Elle se tient tranquille un temps et puis surgit n'importe quand, à son bon vouloir, avec ou sans préavis. Ça peut prendre quelques jours ou des décennies.
Les secrets trouvent toujours une sortie par où se faufiler. La faille d'un filet d'eau dans le barrage. Ça peut prendre des années ou de drôles de chemins. Une fuite goutte à goutte ou un effondrement. Parfois, c'est une lettre qui fuit, ou un mort, parfois presque rien. Une peluche, un prénom. À la fin le secret se sait.
Ses livres sont trop sauvages pour être alignés sur des étagères. Juliette n'aime pas trop l'idée de classer. Elle n'a pas choisi son voisin de cours d'anglais en fonction de sa date d'anniversaire, sa meilleure amie en fonction de son nom de famille. Les gens se croisent et quelquefois ils se rencontrent. Les livres c'est pareil. Une rencontre au hasard à laquelle on s'accroche.